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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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lui faisait peur. Elle avait aussi essayé d'imaginer ce qui avait pu se produire le matin de la mort de Tenebrae. Se redressant, elle s'appuya contre les oreillers et ferma les paupières pour se remémorer l'escalier sombre menant au cabinet du mage. Morel tapait à la porte : Tenebrae ouvrait, et le client entrait. Quand l'entretien était terminé, Tenebrae faisait sortir son hôte par la porte du fond. Ce dernier passait alors devant la fenêtre fermée et descendait les escaliers. Une fois dehors, la porte elle-même ainsi que Bogbean interdisaient à quiconque de se réintroduire dans la maison. Kathryn avait beau réfléchir, elle ne voyait pas de solution au mystère. Elle cogna les poings contre les couvre- pieds en boule autour d'elle.
    — Un de ces pèlerins est l'assassin, murmura-t-elle pour elle-même.
    Sachant qu'il était dangereux de ruminer ses pensées, elle sortit de son lit, se lava et s'habilla prestement. Cela fait, elle descendit à la cuisine où Thomasina préparait déjà le feu dans l'âtre. Elle déjeuna avec du fromage, un fruit et du pain de la veille, répondant en marmonnant aux questions incisives de la servante.

    — Y a-t-il des patients, ce matin? demanda-t-elle cherchant à se souvenir. Je veux dire, des cas sérieux ?
    Avant que Thomasina ait pu répondre, on frappa violemment à la porte. La servante s'en fut voir ce qu'il en était et revint.
    — C'est un de ces arrogants huissiers du Guildhall, annonça-t-elle. Le grand Maître Luberon aimerait vous parler. Je ne vois pas pourquoi il ne se déplace pas. Vous êtes aussi occupée que...
    — Chut, sourit Kathryn. Colum est-il parti?
    — Il s'est envolé comme un oiseau, répliqua la servante. Il avait l'air aussi joyeux que vous. Je vous accompagne ?
    Kathryn secoua la tête et, après être allée prendre sa cape, embrassa distraitement Thomasina sur la joue avant de sortir dans Ottemelle Lane.
    La veuve Gumple passa toutes voiles dehors, arborant un sourire faux. Kathryn inclina la tête pour saluer cette femme fourbe, membre important du conseil paroissial de Sainte-Mildred. Si seulement elle ne se ridiculisait pas en se pavanant dans les rues dans ses tenues volumineuses qui l'obligeaient à se dandiner comme un âne bâté, et avec sa coiffure qui se gonflait pareille aux voiles d'un navire dans le vent !
    — Je deviens comme Thomasina, murmura Kathryn.
    Rawnose, le mendiant, était posté au coin de Hethenman Lane. Il lui fit signe d'approcher et lui montra son crâne galeux.

    — Ça va mieux, bredouilla-t-il, et un sourire éclaira son pauvre visage défiguré. C'est magique, Maîtresse Swinbrooke, vous faites des merveilles !
    Kathryn voulut reprendre sa marche, mais Rawnose la saisit par la main.
    — Vous êtes au courant de la mort de Maître Tenebrae?
    Celui qui se voulait le héraut de Cantorbéry pinça les lèvres et secoua la tête comme s'il était un des juges du roi.
    — Les démons sont partout parmi nous.
    Savez-vous que le curé de Maidstone a voulu tuer l'archidiacre avec une figurine de cire? Il l'a percée d'épingles et l'a jetée au feu. On dit qu'il a toujours avec lui, dans un flacon, un démon qui épie les jeunes filles de la paroisse. Mais ce n'est rien en comparaison d'un juge de Douvres qui a acheté trois statuettes de cire et une mesure de poison à un sorcier. Il a fait baptiser les figurines, leur donnant les noms du shérif et de deux importants officiers de la ville, puis il les a enveloppées de bandelettes de parchemin, et les a dissimulées avec le poison dans des miches de pains qui ont été introduites clandestinement au Guildhall. Et savez-vous que... ?
    — Assez, l'interrompit Kathryn. Mon remède a peut- être soigné ton crâne, Rawnose, mais tu as la langue de plus en plus longue, que Dieu nous protège ! A présent va voir Thomasina de ma part.
    Tu déjeuneras à la maison, et tu te réchaufferas auprès du feu.

    A peine avait-elle prononcé ces paroles que Rawnose détalait comme un lièvre. Kathryn se remit en marche dans Hethenman Lane. La journée serait belle, et le soleil commençait à chauffer dans un ciel sans nuage. Les cloches de plusieurs églises sonnaient la messe. Des charrettes roulaient avec fracas sur les pavés, chargées de produits pour les marchés. Deux mendiants manchots poussaient leur voiture à bras commune, remplie de petites pierres polies qu'ils espéraient vendre. Derrière eux, un frère d'aspect douteux égrenait son chapelet. Des

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