Le livre des ombres

dû escalader l'enceinte. Qui était assez robuste pour le faire?
    Foliot? Brissot? Neverett? Ou même Greene ou Sir Raymond? Cependant le portail était-il vraiment fermé?
    — Kathryn?
    Celle-ci leva les yeux pour découvrir le père Cuthbert devant elle, un panier au bras.

    Il se rapprocha.
    — Que diable faites-vous ici ?
    Elle se mit à rire.
    —
    Je me reposais. Et je pourrais vous poser la même question, père.
    Le prêtre indiqua les murs du monastère.
    —
    Je viens de rendre visite au prieur. Il a eu la bonté d'accepter que les draps et les couvertures de l'hospice soient lavés dans sa buanderie.
    Il tapota son panier.
    —
    En retour, je lui apporte toujours des herbes et des potions pour l'infirmerie.
    Le religieux s'assit à côté de Kathryn.
    —
    Il est mort, savez-vous, dit-il, la regardant attentivement de ses yeux pleins de bonté. John Paul, l'homme que vous avez examiné, et je ne l'appellerai pas par le nom satanique qu'il se donnait. Il est mort, le visage tourné vers Dieu. Je suis sûr que Notre-Seigneur lui témoignera de la compassion.
    Kathryn n'avait pas oublié l'homme étendu sur les draps blancs, sa détermination à retrouver le Livre des ombres pour le détruire. Elle porta son regard sur le père Cuthbert.
    —
    Croyez-vous en la magie noire, père? Croyez-vous que les hommes comme Tenebrae peuvent s'entretenir avec Satan?
    Le vieux prêtre posa son panier et indiqua les bambins qui jouaient dans l'eau peu profonde.
    —
    Je crois en la bonté du Seigneur, répondit-il, je crois au soleil, aux cris et aux jeux des enfants.

    C'est ainsi que devrait être le monde, Kathryn.
    Mais pour répondre brutalement à votre question, les individus comme Tenebrae, par leurs vies néfastes, peuvent attirer des forces de l'ombre.
    Sorciers et sorcières ont la présomption de croire qu'ils sont capables d'utiliser ces pouvoirs, mais la triste vérité c'est que ceux-ci peuvent se retourner contre eux. A présent...
    Il se mit debout et lui tendit la main.
    —
    Cessez de trop penser, Kathryn. Regagnez Ottemelle Lane, parlez à Thomasina, écoutez bavarder
    Agnes
    ou
    jouez
    avec
    Wuf.
    Abandonnez-vous au cours normal et paisible de votre vie.
    Kathryn sourit et se leva à son tour.
    — Si seulement tout était aussi simple, père.
    Le sourire du prêtre s'évanouit.
    —
    Mais la vie est simple, répliqua-t-il. C'est nous qui la compliquons et la rendons difficile.

    CHAPITRE VIII
    Pendant que Kathryn rentrait à Ottemelle Lane en songeant tristement au conseil du père Cuthbert, Morel se tenait dans un coin abandonné du cimetière de l'église Sainte-Mary Bredman. Fixant le tas de terre fraîchement retourné qui indiquait l'emplacement de la tombe de Maître Tenebrae, il ne comprenait pas. Le clerc Luberon avait organisé l'enterrement du corps de son maître sans cloche, ni missel, ni chandelle. Point de messe chantée, ni de prière. Les gardes de la ville avaient porté au cimetière le cercueil en bois bon marché, ils avaient creusé un trou et l'y avaient déposé, laissant à Morel le soin de le recouvrir de terre. Le serviteur du mage se gratta la tête. Son maître aurait été d'accord, il n'aimait pas le pouvoir des prêtres, et, autant que Morel s'en souvenait, ne franchissait jamais le seuil d'une église. Mais que se passerait-il, maintenant? Morel devait-il revenir ici la nuit et sacrifier un coq noir sur la tombe, pour que le sang frais imprègne la terre ? Son maître en aurait-il besoin? Le serviteur sautilla d'un pied sur l'autre avec impatience. Il ferma les yeux et se souvint alors de Maîtresse Swinbrooke. Ouvrant les paupières, il sourit. Son maître lui avait indiqué ce qu'il convenait de faire.
    Kathryn avait espéré passer un après-midi tranquille à préparer un repas pour célébrer l'obtention de sa licence, mais son espoir vola en éclats dès qu'elle entra dans la maison. Rawnose était assis à la cuisine, son visage mutilé luisant de transpiration tandis qu'il apprenait ses nouvelles à Thomasina, Agnes et Wuf qui écarquillait les yeux.
    — Tous les juges sont là-bas, déclarait-il quand Kathryn pénétra dans la pièce, parés d'hermine et de rouge. Munis de l'épée et d'un gibet, ils vont rendre la justice du roi.
    Kathryn fit un clin d'œil à Thomasina.
    — Je le sais.
    — Ah bon?
    Rawnose pointa un doigt sale au plafond.
    — Ce que vous ne savez pas, Maîtresse, c'est que les juges des causes criminelles siègent déjà dans la grande