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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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entrée.
    Elle descendit Iron Bar Lane. Un mendiant cul-de-jatte se poussa sur un chariot dans l'ornière de la rue, tentant de la suivre, pour demander l'aumône en gémissant.
    —
    Je n'ai plus de jambes, pleurnichait-il, son visage grisâtre tordu en une grimace. Je les ai perdues dans les marais d'outre-mer.
    Kathryn lui donna une pièce de monnaie et le suivit des yeux comme il regagnait en se hissant l'endroit où il mendiait, à l'angle d'une impasse. Elle essuya la transpiration à son front avec le poignet de sa robe et traversa Saint George's Street pour prendre Lamberts Lane, près de White Friars5. Elle était encore irritée, et maudit son mauvais caractère.
    —
    Aie des pensées douces, se murmura-t-elle, sinon tu vas devenir une vieille mégère, une vraie harengère.
    Non loin du monastère des Carmes se trouvait un petit jardin qui descendait jusqu'à une mare près de laquelle des enfants jouaient bruyamment à l'ombre, s'éclaboussant pendant que les canards et les cygnes passaient et repassaient sans se troubler. Kathryn s'assit sur un banc sous un gros sycomore. Elle se cala contre le dossier pour observer les bambins qui s'amusaient. Son père l'emmenait ici, quand elle était enfant. Il lui montrait les plantes, et lui expliquait que certains des oiseaux qui venaient dans ces arbres avaient volé sur des centaines de kilomètres, depuis d'étranges pays exotiques, par-delà la mer du Milieu.
    — Ne me demande pas pourquoi, soupirait-il, cela fait partie des mystères de Dieu.
    Kathryn plissa les yeux en souriant. Pourquoi tous les enfants adoraient-ils l'eau?
    Elle lutta contre la mélancolie qui menaçait de l'envahir. Des images surgies de l'enfance la tourmentaient : les jours étaient ensoleillés et 5 Carmes. (N.d.T.)

    chauds alors, son père étudiait les simples pendant qu'elle jouait à côté de lui. Quand elle avait grandi, il l'emmenait aux représentations des grands mystères, à Tous-les-Saints, ou à Blackfriars, au nord de la ville. Ah, comme ces souvenirs avaient perdu de leur acuité! Son mariage avec Alexander Wyville, cet apothicaire ivrogne qui la battait, était comme une haute muraille noire qui coupait sa vie en deux. A présent, Alexander était parti, suivant les armées lancastriennes, et Kathryn ignorait s'il était mort ou vivant. Son père était décédé, et elle avait dérivé, soutenue et réconfortée par Thomasina jusqu'à ce que Colum fasse irruption dans sa vie. Que se passerait-il s'il partait? Kathryn ferma les yeux. Il ne fallait pas s'étonner qu'elle soit mal disposée; ressasser le passé produisait toujours des humeurs noires.
    A l'ombre du sycomore, Kathryn s'obligea à réfléchir au mystère de Tenebrae. Si elle l'élucidait, tout irait pour le mieux. S'efforçant de ne pas prêter attention aux bruits autour d'elle, elle se remémora sa visite chez le mage : les larges escaliers menant à son cabinet, les portes qui ne s'ouvraient que de l'intérieur. Et puis la pièce elle-même : sombre, macabre. Chacun des pèlerins était reparti par la porte du fond, avait suivi le petit couloir pour redescendre par les escaliers au pied desquels Bogbean montait la garde. Toutes les fenêtres étaient fermées, Kathryn le savait.
    Personne ne pouvait entrer dans la pièce sans l'autorisation de Tenebrae. Alors, au nom du Ciel, comment était-il mort ? Les pèlerins entrent chacun à son tour et sortent de même. Tenebrae est vivant. Morel lui a parlé juste après midi, mais quand il remonte au cabinet de son maître, il découvre celui-ci mort, tué par un carreau d'arbalète. Qui pouvait transporter une arme aussi encombrante ? Et Tenebrae ? Pourquoi n'a-t-il pas crié? Tenté de se défendre? De s'échapper? Kathryn ouvrit les yeux et secoua la tête.
    — C'est impossible, marmonna-t-elle.
    Elle prit une profonde inspiration, et revit par la pensée le corps déchiqueté de Fronzac que l'on avait jeté dans l'enclos à sangliers.
    — Réfléchissons, murmura-t-elle. Fronzac va près du parc à cochons. Il le contourne jusqu'au côté le plus éloigné de l'auberge, là où personne ne peut le voir. Et ensuite ?
    Elle voulut rassembler ses pensées. Les compagnons de voyage de Fronzac se trouvaient alors soit à l'auberge, soit dans la ville. Nul n'avait été vu sortant dans le jardin, et le portail dans le mur sombre était fermé. L'aubergiste assurait qu'il n'avait été ouvert qu'après la découverte du corps de Fronzac. Le tueur avait donc

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