Le livre du cercle
J.-C.
— Tu
bloques encore ton poignet.
Simon
fronça les sourcils et relâcha ses muscles. Il décrivit de grands cercles avec
son épée tout en essayant de conserver un mouvement fluide de la main, comme
Will venait de le lui montrer, mais l’épée lui glissa des mains et son ami eut
juste le temps d’esquiver l’arme qui vint tourbillonner dans sa direction.
— Sainte
Marie ! s’exclama Simon en prenant sa tête entre ses mains. Je suis désolé,
Will !
— Il
n’y a pas de mal, dit celui-ci en se redressant.
Puis
il alla récupérer son fauchon, enfoncé à quelques mètres de là dans une botte
de foin.
— Ça
ne sert à rien, je n’y arrive pas.
— Tu
as juste besoin d’entraînement.
Will
lui tendit une nouvelle fois le fauchon et Simon dissimula son épouvante.
— Maître
! le héla timidement un jeune palefrenier depuis l’écurie. Je ne trouve pas la
brosse pour le toilettage.
— Dans
la réserve, dit Simon. Deuxième étagère, là où tu l’as laissée la dernière
fois.
— Merci,
maître, dit le garçon en rougissant.
— Maître
? fit Will en souriant à Simon quand le garçon eut disparu. On dirait que tu t’adaptes
bien à ton nouveau rôle.
— Oui,
répondit son ami en désignant d’un ample geste les écuries, je suis seigneur de
tout ce que je récure.
Il
se dirigea vers les bottes de foin entassées dans un coin.
— Faisons
une pause, veux-tu ? proposa-t-il en étudiant longuement son poignet. Je crois
bien que je me suis foulé quelque chose.
Will
éclata de rire.
— J’ai
plutôt l’impression que tu n’apprécies pas plus que ça l’entraînement au
maniement de l’épée, non ?
Simon
se laissa tomber sur l’une des bottes de foin et posa l’épée de Will entre ses
jambes.
— Ce
n’est pas ça, mais je ne m’améliorerai jamais assez pour que tu puisses me
transformer en un partenaire décent.
Will
s’assit aux côtés de Simon.
— Je
ne peux pas demander à Robert ou à Hugues de s’entraîner avec moi. Ils sont
chevaliers maintenant, ils n’ont plus le temps. Et Everard ne me laisse pas
participer aux séances d’entraînement. D’ailleurs, ajouta-t-il avec irritation,
je n’en ai pas vraiment envie. Tous les sergents du groupe sont plus jeunes que
moi. Je suis tellement vieux que je pourrais être leur instructeur !
Will
mit ses mains en coupe et souffla dedans. Elles étaient couvertes de gerçures
douloureuses à cause du vent glacial.
Ces
derniers mois, tout le monde à la commanderie avait été occupé par les moissons
et les préparatifs pour l’hiver. On avait nettoyé les abris et les granges pour
qu’elles puissent accueillir les colombes, les poules et les chèvres. Les
vignes et les arbres du verger semblaient nus depuis qu’on avait ramassé les
fruits pour en tirer du vin et des confitures. On avait vidé les étangs de
leurs poissons, qui étaient maintenant séchés et salés, et il n’y avait plus
une goutte de miel dans les ruches. Un vent général de satisfaction avait
soufflé sur la commanderie quand tous les différents entrepôts avaient été
remplis. C’était la fin de l’automne.
Will
avait été occupé par une série de nouveaux traités qu’Everard lui avait confiés
pour la commanderie. Le prêtre lui avait également demandé de réparer les
reliures d’une vieille pile de livres. Will avait exécuté ce travail assis dans
le verger, les livres posés en équilibre sur ses genoux, conduisant avec
minutie l’aiguille le long de la tranche. Simon s’asseyait souvent avec lui et
Robert avait réussi de temps à autre à trouver un moment, entre les prières et
les réunions, pour venir lui parler. Il savait que Will était frustré de ne
toujours pas être chevalier et il essayait de le faire rire en lui décrivant
par le menu la dernière réunion du chapitre à laquelle il avait assisté, se
lamentant sur la manière dont tel frère ou tel autre avait discuté pendant
trois heures du point de couture que devrait utiliser le drapier pour repriser
le fond de leurs chausses. En revanche, Will n’avait pratiquement pas vu Garin.
Entre eux, l’embarras était toujours perceptible. Il se sentait mal à l’aise et
avait tendance à éviter le chevalier. Ce n’était d’ailleurs pas bien difficile
: Garin n’était presque jamais à la commanderie.
— Ne
te tourmente pas pour l’entraînement, lui dit Simon. Je deviendrai aussi bon
qu’il faudra, même si je dois mourir pour
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