Le livre du cercle
promises. Garin voulait être anobli. Même quand la culpabilité pour
la mort de Jacques avait été à son comble, Garin avait continué à rêver de
noblesse. Il s’imaginait dans un grand domaine, avec des serviteurs, une écurie
et une tour entière pour sa mère, mais le prince avait des soucis plus urgents
et Garin réalisa finalement que s’il souhaitait toutes ces choses, il devrait
les obtenir sans l’aide de personne.
S’installer
à Paris n’avait en rien résolu ses problèmes comme il l’avait espéré. Quand le
visiteur lui expliqua qu’il devrait prouver à la guerre qu’il était digne d’une
charge de commandeur, Garin passa plusieurs semaines à rêvasser sur les
croisades. Il avait entendu des histoires à propos de chevaliers anoblis en
Palestine, qui possédaient des villes entières, avec des esclaves et des
harems. Mais l’Outremer semblait bien loin et il avait peur de s’y rendre seul.
Sentant
les spasmes du désir monter grâce aux mouvements experts d’Adela, Garin saisit
une poignée de ses cheveux parfumés au jasmin et l’attira à lui. Puis il
l’embrassa à pleine bouche, sentant son propre goût sur ses lèvres. Il aimait
la toucher : la façon dont elle cambrait le dos pour rencontrer ses mains,
bouche ouverte et paupières closes, l’excitait plus que tout. Il adorait aussi
la voir se pâmer quand il ralentissait ses mouvements. Ce soir, Garin se plaça
au-dessus d’elle et lui releva les jambes pour y prendre appui. Tandis qu’il la
pénétrait en cherchant l’oubli, ses craintes et ses soucis le quittèrent. Le
monde extérieur s’évanouit et le temps se concentra sur cet instant unique de
légèreté et de bonheur.
Enfin,
Garin s’écroula sur elle, haletant, l’esprit vide pendant quelques secondes,
jusqu’à ce qu’Adela lui pousse l’épaule et se dégage. Elle s’assit en
grimaçant.
Garin
vit son expression et posa sa main sur son épaule.
— Je
t’ai fait mal ? demanda-t-il en sachant que c’était le cas.
Maintenant
que le plaisir s’en était allé, il se sentait plein de remords et voulait se
faire pardonner.
Adela
lui jeta un regard par-dessus l’épaule.
— Un
peu.
— Je
suis désolé.
— Ce
n’est rien.
— Je
sais bien que tu ne le penses pas, dit-il avec une moue. Pardonne-moi.
— Je
vais bien, Garin. Ne t’en fais pas. J’ai connu pire, crois-moi.
Elle
se leva mais Garin lui attrapa le poignet.
— Reste
avec moi.
— J’en
ai d’autres à voir ce soir.
Il
ne voulait pas la lâcher.
— Juste
un moment, s’il te plaît.
Adela
hésita, puis elle se rallongea. Garin posa sa tête sur ses seins. À chaque
respiration, il pouvait sentir sa poitrine monter et descendre. La régularité
du mouvement l’apaisa. Dehors, il commençait à faire nuit. Il devrait bientôt
retourner à la commanderie.
Adela
caressa doucement la main posée sur son épaule. Elle plongea le nez dans la
chaleur de ses cheveux.
— J’aimerais
que tu n’aies pas à faire ça.
— Quoi?
— Le
faire avec d’autres hommes.
Adela
ne répondit pas.
La
Tour, Londres,
21
octobre 1266 après J.-C.
— Vous
ne l’avez vu qu’une fois ?
— Oui,
prince. À Carcassonne, il y a huit mois. Il y avait une telle foule qu’on
aurait pu croire qu’un couronnement royal avait lieu.
Philippe,
un jeune homme de la noblesse provençale, regardait le prince Édouard caresser
du poignet la gorge d’un faucon à la robe fauve. Le prince était appuyé contre
une table, dans le seul coin de la pièce éclairé par la lumière du soleil
couchant qui filtrait à travers une étroite fenêtre. Assis sur un tabouret,
Philippe se sentait mal à l’aise. Il avait l’impression d’être minuscule en
présence de ce prince à la taille imposante. Édouard avait maintenant
vingt-sept ans et son gabarit était d’autant plus respectable qu’il avait un
physique sec et musculeux, acquis grâce à des années d’entraînement, de joute,
de chasse et plus récemment de bataille.
— C’est
un rapace magnifique, dit nerveusement l’aristocrate que le silence effrayait.
Édouard
le regarda.
— Il
appartient à mon oncle, Simon de Montfort. Je l’ai récupéré après sa mort à
Evesham.
Il
leva sa main, protégée par un gant en cuir renforcé. Le faucon poussa un cri
strident et battit des ailes en tirant sur le jet de soie attaché à sa patte.
Puis il poussa un second cri et agita son plumage avant de se calmer. Ses yeux
fixes
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