Le livre du cercle
et se hâta de sortir de la chambre.
— Pensez-vous
qu’il s’agisse du livre que nous cherchons ? demanda Rook quand les portes se
refermèrent sur le jeune homme.
— Il
porte le même titre. Et d’après lui, il y a des références flagrantes aux
Templiers. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons l’ignorer.
Édouard
alla près de la fenêtre. Il ferma les yeux pour mieux apprécier la lumière du
soleil sur son visage. Alors qu’il avait eu les cheveux clairs pendant toute sa
jeunesse, ils s’étaient considérablement assombris ces dernières années.
Certaines mèches étaient maintenant d’un noir de jais.
Six
ans plus tôt, quand il avait appris, d’abord par Rook, puis par Garin, le
visage en larmes, complètement terrorisé, l’existence d’un groupe secret au
sein du Temple, Édouard avait immédiatement ordonné à son homme de main de
mener une enquête. D’après ce que Jacques de Lyons avait dit à son neveu,
quelqu’un avait volé un livre à ce groupe, l’Anima Templi, un livre qui
détaillait ses objectifs et pourrait se révéler fatal pour lui comme pour le
Temple s’il était dévoilé au grand jour. Rook n’avait rien pu apprendre de
plus, ni sur l’origine du livre ni sur ce qu’il contenait. Mais il avait au moins
pu vérifier qu’il existait bel et bien un homme du nom d’Everard au Temple de
Paris. S’il fallait en croire Garin, ce prêtre était à la tête du Cercle. Le
prince avait également pu confirmer l’implication de son grand-oncle, Richard
Cœur de Lion, grâce à une obscure référence dans un document qu’il avait trouvé
en fouillant les archives de Westminster. J’ai juré sur ma vie de protéger
l’Âme du Temple, avait-il pu lire. L’écriture, cela ne faisait aucun doute,
était bien celle du roi. Il avait alors pensé recruter des hommes pour aider
Rook à enquêter plus à fond sur l’Anima Templi, mais la guerre civile et son
emprisonnement avaient éloigné ces considérations pour un temps.
— Quand
dois-je partir pour Paris ?
— Dans
les prochains jours, répondit Édouard en se tournant vers lui.
Rook
afficha une moue sceptique.
— Qu’y
a-t-il ?
— Sauf
votre respect, je pense que nous plaçons beaucoup trop d’espoir dans un petit
livre qui évoquerait, croit-on, un groupe dont l’existence est plus ou moins
hypothétique, le tout sur la base d’informations données par un petit morveux.
— Les
quelques éléments que nous avons pu regrouper confirment ses dires. Il est
impossible qu’il ait menti sur toute la ligne.
Voyant
que Rook souhaitait développer son argument, Édouard leva le bras pour
l’arrêter.
— Que
puis-je faire d’autre? Monter une opération pour pénétrer dans la commanderie
de Paris et récupérer mes joyaux ? Si les mercenaires que j’ai envoyés ont été
incapables de les reprendre quand ils étaient sur un quai, je ne vois pas comment
ils y arriveraient alors qu’ils sont dans un coffre-fort enfoui à dix mètres de
profondeur.
Édouard
parlait d’une voix calme, mais une rage froide faisait briller ses yeux d’un
éclat fiévreux.
— Mon
père est de plus en plus faible. Il ne faudra pas longtemps avant que je sois
couronné. Je dois exercer mon autorité dès maintenant si je ne veux pas que mes
ennemis m’en empêchent à l’avenir. Alors que je l’aimais et que je l’ai admiré
pendant des années, je n’ai pas laissé mon oncle m’enlever ne serait-ce qu’une
once de pouvoir. Avant qu’il ne soit en état de me nuire, je l’ai fait tuer.
Ses membres et sa tête ont été arrachés, et ce qui restait a été jeté aux
chiens après la bataille d’Evesham. Qu’est-ce qui te fait croire que je vais
laisser aux Templiers un moyen de me contrôler ? Je veux mes joyaux, Rook, et
si le seul moyen d’y parvenir consiste à leur dérober quelque chose de précieux
pour proposer un échange, alors c’est ce que je ferai.
Rook
hocha la tête en signe d’acquiescement.
— Comment
voulez-vous que je procède ?
— Je
pense que le moment est venu de rendre visite à notre jeune ami.
— Garin
? s’étonna Rook. Il est parti à Paris cet été.
— Alors
il est dans une position idéale pour t’aider à accomplir ta mission. Tu auras
besoin de lui, Rook. De plus, cet oiseau vole depuis trop longtemps hors de sa
cage.
Édouard
caressa la gorge du faucon.
— Il
ne faudrait pas qu’il oublie qui est son maître.
Le Temple, Paris,
21 octobre 1266
après
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