Le livre du cercle

voler le livre du troubadour,
livre qui d’après le prêtre avait été volé à la commanderie six ans plus tôt.
Puis elle lui expliqua l’accord qu’elle avait passé avec lui : en échange,
Everard devait lui accorder l’initiation.
    Quand
elle eut terminé, Will resta silencieux un moment.
    — Everard
t’a demandé de voler ce livre ? demanda-t-il finalement.
    — Je
suis désolée d’avoir discuté avec ton maître sans t’en parler, Will, mais je
sais à quel point tu veux devenir chevalier. Je pensais t’aider. En plus, ce
n’est pas comme si le livre appartenait vraiment au troubadour.
    Elle
se mordit les lèvres en baissant les yeux.
    — Et
puis les dominicains sont arrivés, et j’ai eu tellement peur qu’ils découvrent
ce que j’avais fait que je ne pouvais penser qu’à m’en débarrasser. Ils ont
arrêté le troubadour hier soir, avant son spectacle.
    — De
quoi l’accusent-ils ?
    — Ils
disent que Le Livre du Graal et son spectacle sont hérétiques.
    Le
visage de Will se crispa tandis qu’il réfléchissait.
    — Bon,
le plus important, c’est que tu t’en sois sortie.
    — C’est
ma faute, n’est-ce pas ? Ce qui est arrivé au troubadour? D’après ce que j’ai
entendu, les dominicains pensent qu’il ment en leur parlant d’une jeune
domestique qui aurait volé le livre. Mais c’est la vérité. Je lui ai donné un
faux nom.
    — Heureusement
que tu as pris cette précaution, la rassura Will. Elwen, rien de tout ça n’est
ta faute. Je n’arrive pas à croire qu’Everard ait fait ça.
    — Pierre
n’est pas un mauvais homme. Il a récupéré le livre quand son frère est mort. Il
voulait simplement avoir l’occasion de lire sa poésie. Ils vont le tuer, non ?
    — Son
frère ?
    Elwen
raconta ce que Pierre lui avait dit à propos d’Antoine.
    — Everard
suppose que Pierre a volé lui-même le livre, mais ce n’est pas le cas. C’est
son frère, Antoine, qui l’a trouvé sur le seuil de sa maison. Ni l’un ni
l’autre ne savait d’où il venait.
    — Et
où est le livre, maintenant?
    — J’ai
retrouvé l’homme d’Everard hier, comme convenu, et je le lui ai confié.
    — L’homme
d’Everard?
    — Hasan,
dit-elle d’une petite voix. Il m’a dit que j’avais bien fait et qu’Everard
serait ravi. Quand je lui ai demandé d’où il venait, il m’a répondu de Syrie.
Je lui ai expliqué que je voulais me rendre en Terre sainte, il m’a encouragée
en me disant que c’était magnifique.
    — Et
Hasan a apporté le livre ici, à Everard ?
    — C’est
ce qu’il était censé faire, j’imagine. Mais écoute, Will : hier soir, en
patrouillant, les gardes royaux ont découvert un cadavre juste après que Hasan
m’a quittée. J’ai entendu Baudoin, l’un des gardes, faire son rapport au
capitaine ce matin, pendant que j’allais chercher de l’eau pour le bain de la
reine. Je lui ai demandé de m’en dire plus, il m’a expliqué qu’il s’agissait
d’un Sarrasin, qu’on l’avait frappé et poignardé dans une ruelle.
    Les
larmes recommencèrent à couler sur ses joues.
    — Il
m’a dit qu’ils avaient laissé le corps à la léproserie près de la porte
Saint-Denis, afin qu’il y soit enterré. C’est forcément lui, non ?
    — Pourquoi
l’hôpital pour lépreux ?
    — Parce
que c’est un Sarrasin.
    — Everard
m’a dit qu’il était converti.
    Will
se passa la main dans les cheveux d’un air perplexe. Par le passé, il s’était
montré très méfiant avec Hasan et il avait fallu du temps à son maître pour
dissiper ses soupçons. Mais si Everard lui avait dissimulé toute cette histoire
et était allé dans son dos demander à Elwen de l’aider à remettre la main sur
le livre, peut-être lui avait-il menti sur d’autres choses après tout. Du
pouce, il essuya une larme qui roulait sur la joue d’Elwen.
    — Je
dois y aller, dit-il en lui glissant dans la paume le morceau de lin contenant
le jasmin. Retourne au palais et ne raconte rien à personne.
    — Est-ce
que tu me hais ?
    — Bien
sûr que non, souffla-t-il en l’attirant contre lui et en la serrant dans ses
bras. Je te remercie d’avoir essayé de m’aider, Elwen. Je suis simplement
énervé que tu te sois mise dans une situation délicate à cause de moi.
    Will
sentit son amie se détendre. Il lui caressa les cheveux, puis l’embrassa sur la
joue.
    — Je
viendra te voir bientôt, je te le promets.
     
    En
voyant Will remonter la rue à grandes enjambées vers la