Le livre du cercle

d’épier les chevaliers.
    — Oui?
    — Quelqu’un
vous demande à la porte, murmura l’homme.
    — Qui
donc ?
    Le
domestique ne répondit pas. Après avoir regardé alentour, il tendit quelque
chose à Will. Dans sa paume se trouvait un morceau de lin bleu plié en quatre.
    Will
fronça les sourcils en s’en emparant.
    — Qu’est-ce
que c’est? demanda-t-il en ouvrant le tissu.
    En
voyant qu’il contenait une tête séchée de jasmin, il resta bouche bée.
    — Elle
n’a pas voulu dire son nom, souffla l’homme. Elle m’a simplement dit de vous
donner ceci. Elle attend dehors, près de la route.
    Le
domestique le salua avant de s’en aller.
    Will
ferma le poing sur le morceau de tissu et sentit son cœur battre la chamade.
Mais son esprit n’était pas aussi échauffé que son corps et en constatant
qu’Elwen ne tenait pas compte de ce qu’il lui avait dit la semaine précédente,
à savoir qu’elle ne pouvait pas venir à la commanderie quand bon lui semblait,
il éprouva un certain agacement. Au bout d’un moment, il traversa la cour en
direction de l’allée qui contournait le donjon vers l’entrée principale. Mais
il n’avait pas fait plus de quelques pas qu’un chevalier l’accostait. Garin. La
plupart des hommes s’étaient dispersés et il était le dernier chevalier dans la
cour.
    Garin
le salua en souriant, mais ses yeux semblaient démentir son expression affable,
et quand il lui adressa la parole, le ton enjoué qu’il adopta parut forcé à
Will.
    — J’espérais
bien te trouver là.
    — Qu’y
a-t-il ? demanda Will en fourrant le morceau de lin dans la poche de sa tunique.
    — Je
ne suis pas sûr, mais il me semble avoir vu ici un vieux camarade de mon oncle
l’autre jour. Un homme qui s’appelle Hasan ?
    — Oui,
il est là en ce moment, acquiesça Will.
    — Robert
m’a dit qu’il était aussi un ami de ton maître ?
    — Je
ne sais pas si on peut dire qu’ils sont amis. Mon maître utilise de temps à
autre ses services pour trouver des textes qu’il recherche depuis longtemps.
Pourquoi me demandes-tu ça ?
    — Pour
rien, fit Garin en haussant les épaules et en riant bizarrement.
    Will
sentait une fois de plus une tension sous sa décontraction apparente.
    — Je
voulais juste le remercier d’avoir essayé de sauver la vie de mon oncle à
Honfleur. Je n’en ai pas eu l’occasion après la bataille, mais je n’ai jamais
oublié qu’il s’était battu à nos côtés ce jour-là. Tu sais où je peux le
trouver ? demanda-t-il d’une voix ingénue.
    — Je
l’ai vu rapidement hier soir, mais j’ignore où il peut être en ce moment. Je
pense qu’il habite quelque part en ville. C’est à peu près tout ce que je peux
t’en dire. Désolé, je dois vraiment y aller, dit-il en commençant à partir.
    — Tu
quittes la commanderie ?
    — Mon
maître m’a donné une course à faire. Si je croise Hasan, je lui dirai que tu
veux lui parler.
    Will
contourna le donjon, traversa l’entrée principale et descendit la rue du
Temple, bordée par une rangée de châtaigniers dont les branches ballottaient au
gré du vent. Elwen se tenait sous l’un des arbres, les pieds enfoncés dans un
épais tapis de feuilles rousses. Elle portait une robe blanche et un châle en
laine bleue enroulé sur les épaules. Will l’appela. Malgré la soudaine rafale
de vent qui fit bruisser les feuilles au-dessus d’eux, Elwen l’entendit et
tourna la tête dans sa direction. En l’apercevant, elle sembla soulagée. Elle
courut vers lui et s’arrêta à quelques mètres d’un air hésitant. Will vit les
larmes au bord de ses yeux et sa colère disparut.
    — Qu’y
a-t-il? demanda-t-il en la rejoignant.
    Elle
se prit le visage entre les mains.
    — Elwen,
qu’est-ce qui se passe ? insista Will en la prenant doucement par les épaules.
Parle-moi.
    Au
bout d’un moment, elle releva la tête. Ses joues étaient inondées par les
larmes.
    — Je
ne sais pas par quoi commencer, Will, dit-elle en secouant la tête. J’ai fait
quelque chose de terrible. Je ne pensais pas que ça tournerait comme ça, je ne
pensais pas qu’il arriverait du mal à quelqu’un.
    — De
quoi parles-tu ?
    Elwen
prit une profonde inspiration, puis elle se dégagea de son étreinte.
    — Le
pire dans tout ça, c’est que j’ai l’impression de t’avoir trahi.
    Will
écouta sans dire un mot pendant qu’Elwen lui racontait qu’Everard était venu la
trouver au palais, et qu’il lui avait demandé de