Le livre du cercle
départ.
Baudoin
haussa les épaules. Cette histoire ne l’intéressait pas plus que ça.
— C’est
à propos du troubadour. Ce serait un hérétique, d’après ce que j’ai entendu.
Les inquisiteurs l’ont emmené pour l’interroger.
Lucas
tressaillit.
— Finalement,
notre situation ne semble pas si mauvaise en comparaison.
— Qu’est-ce
que c’est ?
Baudoin
se retourna et vit qu’Aimery pointait du doigt l’entrée d’une ruelle. Devinant
une vague forme prostrée sur le sol, il s’approcha en faisant attention de ne
pas se brûler avec les flammes de la torche que le vent agitait follement. Un
homme gisait là. Baudoin se pencha et le secoua par l’épaule, mais il n’y eut
aucun mouvement en réponse.
— Tiens-moi
ça, dit-il en tendant la torche à Aimery, qui avait lui aussi posé pied à terre
pour s’approcher.
Aimery
prit la torche et Baudoin retourna le corps.
— Par
le Christ ! s’exclama Aimery en se signant. Un Sarrasin !
Baudoin
remarqua la poignée de la dague qui sortait du flanc de l’homme. Ses yeux
grands ouverts fixaient le ciel. Le gris dominait le visage livide et maculé de
boue, malgré le bleu des ecchymoses et le sang brun coagulé dans la barbe.
— Le
malheureux...
Baudoin
dénoua la cape de l’homme et le fouilla en vitesse, mais il ne portait
apparemment rien d’autre sur lui qu’un fourreau vide semblant correspondre à la
dague.
— Tué
par sa propre arme, on dirait. On devrait interroger les voisins. Quelqu’un
sait peut-être qui est le responsable.
— Ils
sont tous à l’église, répondit Aimery en se renfrognant. La femme qui nous a
parlé de l’incident a simplement dit qu’elle avait entendu crier, puis qu’elle
avait vu quelqu’un étendu dans la ruelle. Elle n’a pas vu les meurtriers.
Parlons-en au capitaine, c’est à lui de décider si nous devons enquêter. Mais
je doute qu’il veuille perdre du temps en mettant des hommes sur cette affaire.
Il
haussa les épaules en regardant le cadavre.
— J’imagine
qu’il ne manquera à personne.
Tout
en soupirant, Baudoin l’approuva en hochant la tête. Il s’essuya le visage avec
sa manche.
— Bon,
aide-moi à le mettre sur mon cheval. On va l’emmener quelque part pour qu’il
soit enterré.
— Oui,
mais où ? demanda Aimery sans bouger d’un pouce.
— En
tout cas, pas dans le cimetière d’une église, dit Lucas en arrivant à leurs
côtés après avoir attaché les chevaux à un poteau, près d’une tannerie.
— Il
faut bien qu’on le dépose quelque part, s’énerva Baudoin.
Ils
réfléchirent un instant.
— Le
cimetière pour lépreux, proposa finalement Aimery.
— Même
les lazarets n’en voudront pas, dit Lucas en secouant la tête.
— Si
nous disons qu’il avait la lèpre, ils seront bien obligés de le prendre.
Aimery
et Lucas se tournèrent vers Baudoin. Incapable de trouver une meilleure
solution, celui-ci acquiesça.
— Très
bien. Aidez-moi à le hisser sur mon cheval.
Le Temple, Paris,
2 novembre 1266
après J.-C.
Quand
l’office de prime fut terminé, Will sortit de la chapelle en poussant un
profond bâillement. Le service avait été particulièrement long car c’était
aujourd’hui la fête des Morts, et durant chaque office on récitait des prières
spéciales pour les chers défunts. C’était une fête assez sinistre en
comparaison de la joyeuse Toussaint, même si le temps contredisait ce
sentiment. Après des jours de pluie et de vent, la journée s’annonçait
extrêmement belle. A l’aube, le ciel avait viré au turquoise avant d’afficher
un bleu radieux et éblouissant. Mais ils en payaient le prix par une soudaine
chute de la température. Dès l’aurore, les garçons d’écurie avaient dû gratter
la couche de glace qui s’était formée sur les auges des chevaux. Les flaques de
boue avaient gelé et l’herbe était constellée de gouttes de rosée figées.
Les chevaliers
sortaient de la chapelle à la file et se dirigeaient vers la Grande Salle.
Will, avec les autres sergents, devrait attendre qu’ils aient fini de manger
avant de pouvoir rompre le jeûne. Pour l’instant, il voulait se rendre à la
draperie de la commanderie. Il devait y récupérer la robe d’Everard, déposée
quelques jours plus tôt pour un petit ravaudage.
— Sergent
Campbell.
Will
se retourna et vit un domestique en tunique brune s’approcher de lui à la hâte.
Il avait une attitude furtive et n’arrêtait pas
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