Le livre du cercle
commanderie, Garin
retourna dans la cour du bâtiment.
La
veille au soir, il avait vu Hasan partir. Comme il savait que le troubadour
devait se produire le soir même, il avait supposé que le Sarrasin allait tenter
de s’emparer du livre. Il était décidé à le suivre mais il s’était retrouvé
pris au piège par le visiteur, qui l’avait engagé dans une conversation à
propos d’une affectation possible à Chypre. C’était une belle proposition, il
s’agissait ni plus ni moins d’être l’assistant du maréchal, et le visiteur
voulait savoir si cette situation l’intéresserait. Mais Garin n’arrivait pas à
détourner ses pensées de Rook, qui allait revenir aux Sept Étoiles pour
récupérer le livre. Et, pendant ce temps-là, Hasan prenait de l’avance... Il
avait accepté le poste avec précipitation et le visiteur, enchanté, l’avait
informé qu’il devrait partir au plus vite pour Marseille afin de prendre un
bateau avant les tempêtes hivernales. Quand le visiteur était enfin parti
rédiger une lettre au maître de Chypre, il était trop tard : Hasan avait
disparu. Garin avait réfléchi un instant. Il pouvait se rendre au palais sans
perdre une minute, mais s’il ne retrouvait pas Hasan et que celui-ci
réussissait à revenir à la commanderie, il n’aurait plus aucune chance. Pour
finir, il avait choisi de rester sur place et d’attendre son retour.
Quand
la troupe de chevaliers dirigée par Nicolas de Navarre était rentrée à la
commanderie, Garin, qui les avait vus partir en début de soirée avec deux
dominicains, avait coincé l’un d’entre eux aux écuries. C’était un jeune
chevalier avec qui il partageait le dortoir.
— Qu’est-ce
qui s’est passé au palais, Étienne? lui avait-il demandé.
— Je
n’ai pas le droit d’en parler, lui avait répondu le jeune homme en tendant ses
rênes à un palefrenier.
— Ce
n’est pas facile de garder des secrets ici.
Après
avoir jeté un coup d’œil à Nicolas de Navarre, qui discutait dans la cour avec
le visiteur, Étienne s’était rapproché de Garin.
— Nous
avons attrapé le troubadour et les dominicains l’ont arrêté.
— Bien,
avait dit Garin en souriant. Content que vous ayez eu ce mécréant.
Etienne
avait hoché la tête avec satisfaction.
— Je
doute qu’il écrive encore sur nous à l’avenir.
— Et
son livre ? Celui que le diable aurait écrit, à ce qu’on raconte ?
— Impossible
de mettre la main dessus. Le troubadour a essayé de nous raconter des salades à
propos d’une domestique qui le lui aurait pris, mais nous n’avons pas pu en
avoir le cœur net.
— C’est-à-dire?
— Il
a dit que la domestique s’appelait Grâce, mais l’intendant affirme qu’il n’y a
personne portant ce prénom au palais. Quant à la description que le troubadour
nous en a faite, une jeune femme blonde et mignonne, elle ne nous avance pas
vraiment.
— Frère
Étienne.
C’était
la voix de Nicolas de Navarre.
— Je
dois y aller, avait lancé le jeune homme en se mettant à courir.
Garin
n’avait pas dormi de la nuit. Il avait fini par redouter que Hasan ne rentre
pas avec le livre. Peut-être le prêtre lui avait-il demandé de l’emmener
ailleurs.
Après
avoir parlé à Will, Garin l’avait suivi, intrigué de le voir s’arrêter un peu
plus loin dans la rue. Il lui avait fallu un moment avant de reconnaître la
femme qu’il avait retrouvée sous les arbres. La transformation d’Elwen l’avait
impressionné. Elle n’était plus le petit brin de fille sans poitrine à qui il
avait sauvé la vie à Honfleur, mais une belle jeune femme. Il n’était pas assez
près pour entendre leur conversation, mais il avait senti qu’elle était
bouleversée et Will plutôt agité. En les regardant, la description qu’Etienne
lui avait faite de la domestique lui était revenue et Garin avait senti
l’excitation monter en lui. Il se souvenait qu’Elwen était dame de compagnie au
palais. Pendant presque toute leur conversation, Will lui tournait le dos et
ils étaient assez loin pour qu’elle puisse lui avoir passé quelque chose
d’aussi petit qu’un livre sans qu’il le voie. Et Garin avait de nouveau éprouvé
un certain ressentiment à l’idée que Will occupait peut-être dans le Cercle
secret d’Everard la place que son oncle lui avait destinée.
Quand
Will passa avec une expression ombrageuse sur le visage, Garin se colla contre
le mur. Il fallait qu’il prenne le livre.
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