Le livre du cercle
palefrois, Garin sortit de la stalle en faisant
attention de rester hors de vue puis, s’emparant d’une selle posée sur un banc,
il ouvrit la porte d’une autre stalle où se trouvait un immense destrier à la
robe noire. Garin lui susurra des mots rassurants tout en fixant la selle sur
son dos. Il jeta ensuite un coup d’œil par-dessus la porte de la stalle : Simon
était accroupi, les mains en coupe, pour aider Everard à monter son palefroi.
Garin se pencha pour nouer la sangle autour de l’estomac du cheval.
Soudain,
il entendit un bruit de paille dans son dos, bientôt suivi par celui d’une
respiration. Mais il n’eut pas le temps de se retourner, quelque chose de dur
vint le frapper à l’arrière du crâne et un voile noir lui tomba devant les yeux
avant qu’il ne s’écroule au sol.
Chapitre 27
Le lazaret, Paris
2 novembre 1266 après
J.-C.
Dans
la lumière éblouissante de la matinée, Will et Everard prirent le chemin qui
partait de la commanderie vers le nord-ouest. Un vent cinglant fouettait leurs
visages. Les champs étaient nus et les silhouettes étiques des arbres,
dépouillés de leur feuillage, se découpaient sur fond de ciel bleu. Ils
chevauchaient silencieusement, accompagnés seulement par le bruit des sabots
sur le sol gelé. Les pensées de Will tournaient autour de son père et des
révélations d’Everard. Quant au prêtre, le visage sombre, il semblait perdu
dans ses réflexions.
Après
à peine une demi-lieue, ils entendirent les cloches de la commanderie et de la
ville derrière eux sonner l’appel pour tierce. Everard immobilisa son palefroi.
Will tira les rênes de sa monture tandis que le prêtre mettait avec difficulté
pied à terre.
— Pourquoi
vous arrêtez-vous ?
— Pour
prier, dit Everard en lui jetant un regard de biais, comme pour lui signifier
que sa question était ridicule.
Will
ne comprenait pas, c’est pourtant bien Everard qui avait insisté sur l’urgence
de la situation. Il descendit à son tour de cheval et noua les rênes autour
d’un buisson d’aubépines. Il prit celles de l’autre palefroi qu’Everard avait
abandonnées au sol, et les attacha pendant que le prêtre s’agenouillait sur le
bas-côté, mains jointes. Même quand ils étaient loin de la commanderie et
qu’aucune cloche ne leur rappelait leurs devoirs, les chevaliers, les prêtres
et les sergents étaient censés honorer Dieu. Mais au lieu d’entendre l’office,
ils devaient réciter sept Pater Noster.
En
s’agenouillant, Will aperçut un autre cavalier un peu plus loin sur la route,
en haut de la butte qu’ils venaient de descendre. Il montait un cheval noir. Un
destrier, jugea Will d’après sa taille. Le cavalier ralentit, s’arrêta puis
descendit lui aussi de cheval. Il était hors de vue. Will s’inclina et murmura
le Pater Noster, mais son esprit perturbé semblait incapable de trouver le
moindre sens aux mots qu’il prononçait.
— Voilà,
dit Everard quand ils eurent fini.
Puis
il se leva et enleva la poussière sur sa robe. Il semblait plus léger, comme si
les prières l’avaient rajeuni.
— Tu
es bien calme, sergent, dit-il après que Will l’eut aidé à se remettre en
selle.
Will
se contenta de remonter sur son palefroi sans rien répondre. Le commentaire du
prêtre le décontenançait. À quoi s’attendait Everard, au juste ?
— Vous
m’avez menti, dit-il après plusieurs minutes de silence. Pendant toutes ces
années, vous saviez pourquoi mon père était parti et vous ne me l’avez jamais
expliqué. Et moi, je me tourmentais parce que je le croyais parti pour...
Will
hésita. Pour ce qu’il en savait, Everard n’était pas au courant de ce qui était
arrivé à sa sœur. Même s’il ne pouvait plus être certain de rien, il ne voulait
pas lui divulguer un tel secret sans nécessité.
— Vous
savez à quel point il me manque, conclut-il.
— Si
je t’en avais parlé, répliqua brusquement Everard, j’aurais dû te dire tout le
reste et tu n’étais pas prêt à l’entendre.
— Et
maintenant? Si Hasan vous avait apporté le livre et qu’Elwen ne m’avait pas dit
ce que vous faisiez, je ne l’aurais jamais su. Vous ne me l’avez raconté que
parce que vous avez besoin de moi. Peut-être que c’est vous qui n’étiez pas
prêt.
Everard
le regarda sans dire un mot.
— Et
mon initiation ? demanda Will.
Sa
voix était toujours calme, mais il sentait la colère monter au milieu de sa
confusion et il
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