Le livre du cercle
transformée en
maladie respiratoire qui avait bien failli l’emporter. En plus des cicatrices
dues aux coups de fouet qu’Everard lui avait infligés, une série de coupures
plus récentes avaient été faites par les infirmiers pour libérer les mauvaises
humeurs de sa poitrine. La petite chambre empestait l’huile de rue et de
laurier qu’on lui appliquait pour l’aider à cicatriser. Cela faisait des
semaines que Will était dans un état de stupeur constante, le corps toujours
plus ou moins trempé de sueur. On lui faisait régulièrement des saignées, et il
avait l’impression qu’avec le liquide vital, c’était toute sa rage, sa douleur
et sa culpabilité qu’on purgeait, ne laissant de lui qu’une cosse de peau
cendrée incapable de se nourrir, de s’habiller, et encore moins de sentir quoi
que ce soit.
Cependant,
au cours de la dernière quinzaine, sa toux avait peu à peu commencé à diminuer.
Les saignées avaient pris fin avec la nouvelle lune et ses joues avaient repris
un peu de couleur. Dans le même temps lui était revenue la mémoire. Et la
colère. C’était une colère plus glacée, plus souterraine que celle qu’il avait
connue, mais elle n’en était que plus puissante. Elle l’avait tenu éveillé ces
dernières nuits, surpassant même en intensité les regrets qui l’avaient
assailli en repensant à Elwen.
La
porte s’ouvrit.
— As-tu
vu la procession ?
— Oui,
répondit Will en continuant à observer son reflet.
Sans
prêter attention au ton indifférent de Will, Simon continua de sourire. Il
portait une gamelle pleine d’un brouet fumant et une coupe remplie d’une
boisson à base de pommes rôties, de bière, de sucre et de noix de muscade.
— Voilà,
dit-il en refermant la porte avec son pied. Assieds-toi donc, je vais t’aider à
manger.
Le
seul signe extérieur par lequel Will manifesta son irritation fut un tic
nerveux de la joue.
— J’y
arriverai bien tout seul.
Les
attentions dont faisait constamment preuve le palefrenier à son égard avaient
le don de l’agacer et, pour ne rien arranger, la chambre dans laquelle il était
confiné finissait par le rendre claustrophobe. Il n’en pouvait plus de sentir sa
propre odeur saturer les couvertures dans lesquelles il dormait et l’air qu’il
respirait. Il n’en pouvait plus de ce coin de ciel gris qu’il apercevait par la
fenêtre. Attrapant la gamelle, Will s’assit sur sa paillasse et commença à
avaler la mixture. La chaleur du plat soulagea sa gorge et sa poitrine
douloureuses.
—
Frère Jean pense que tu iras assez bien d’ici la fin du mois pour pouvoir
voyager, dit Simon après un long silence rempli par le chant des femmes
approchant de la ville.
Will
hocha la tête. Frère Jean, l’infirmier, lui en avait dit autant le matin même.
Everard, qui était venu entendre le diagnostic, avait été ravi. D’après ce que
Simon lui avait dit, le prêtre était comme possédé, il avait passé les
dernières semaines dans sa chambre, comme un tigre en cage, à faire les cent
pas et à consulter toutes les cartes qu’il pouvait trouver indiquant les
différentes routes possibles pour aller en Terre sainte - par voie de mer ou de
terre.
Quand
Simon était revenu de La Rochelle, au beau milieu de l’hiver, Will était
toujours plongé dans une fièvre tenace. Le voyage du palefrenier vers le port
avait bien commencé, il était allé à bonne vitesse en suivant la Loire jusqu’à
Blois. Mais, un soir, juste avant d’atteindre Tours, son cheval avait chuté sur
une pierre. Il avait marché jusqu’à la ville suivante en tramant la bête
éclopée derrière lui et avait dû dépenser une partie de l’argent d’Everard pour
acheter une autre monture. Les jours suivants, le temps particulièrement
mauvais l’avait encore retardé, si bien qu’il était arrivé à La Rochelle bien
plus tard qu’ils ne l’avaient prévu. Sur place, il n’avait pas eu de difficulté
à localiser Nicolas mais Garin était resté introuvable.
Quand
Simon annonça aux Templiers qu’un Hospitalier avait volé un livre de valeur à
la commanderie de Paris, le maréchal envoya deux chevaliers chez les
Hospitaliers pour exiger qu’on leur livre Nicolas. Niant avoir connaissance
d’un tel livre, les Hospitaliers répondirent sèchement que quatre chevaliers
étaient récemment arrivés de Paris, mais qu’ils ne se trouvaient plus à La
Rochelle. Trois d’entre eux étaient retournés à Paris et le
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