Le livre du cercle
présentés devant les fortifications, le prince Bohémond avait
sacrifié dix chariots remplis d’or pour sauver la ville. Apaisés par cette
offre, les généraux s’étaient retirés à Alep, laissant Antioche inviolé. Les
rumeurs qui avaient circulé par la suite disaient que l’attitude de ses
généraux avait rendu Baybars furieux.
— Plus
vite la croisade du roi Louis arrivera, mieux cela vaudra, murmura le grand
maître. Malheureusement, nous n’avons pas encore de promesse précise quant au
temps qu’il nous faudra attendre. Il a pris la Croix l’année dernière mais
d’après les nouvelles que je reçois d’Occident, le roi est en discussion avec son
frère Charles, le comte d’Anjou, récemment devenu roi de Sicile. Anjou essaie
apparemment de persuader le roi qu’il faut d’abord prendre Tunis, sans quoi
aucune avancée en Egypte ne saurait être efficace.
— Tunis
? dit Nicolas en faisant une moue dubitative. C’est ici, en Palestine, que nous
avons besoin de Louis et de ses hommes.
— Je
suis d’accord sur ce point, frère. Certains en Acre pensent qu’Anjou cherche
simplement à étendre le tout nouveau royaume sur lequel il vient de s’établir.
Mais son ambition personnelle de bâtir un empire en Orient pourrait affecter
les plans de Louis. Il se pourrait que nous ayons à nous défendre seuls et que
le roi n’arrive jamais. Faute d’éléments nous permettant de nous en assurer, il
ne faut pas compter sur son aide.
En prononçant
cette dernière phrase, le grand maître s’était penché et avait pris dans ses
mains Le Livre du Graal.
— Mais
laissons là ces problèmes, nous aurons bien le temps de nous inquiéter à
l’avenir et votre présence est motivée par tout autre chose.
Il
ouvrit le livre et papillonna du regard sur les premières pages.
— Je
l’ai lu il y a quelques semaines, poursuivit-il en le reposant sur la table.
Vous avez bien fait, mon frère. La recherche de ce livre vous aura beaucoup
coûté. Cette action entreprise dans l’intérêt de notre Ordre vous honore.
Nicolas
inclina respectueusement la tête.
— Je
n’ai fait que mon devoir, maître. J’ai été heureux d’accomplir cette tâche.
J’avoue m’être inquiété un temps que ma quête ne porte pas ses fruits. Après
tout, nous ne savions pas si ce livre pouvait réellement porter un coup
irréparable au Temple, comme le grand maître de Châteauneuf l’avait espéré
quand il en avait entendu parler pour la première fois. Mais, après l’avoir lu,
je vois que cet espoir n’était pas infondé.
Le
visage de maître de Revel exprimait une extrême gravité.
— Oui.
C’est sans nul doute l’œuvre d’hérétiques et de blasphémateurs. Le lire m’a mis
à la torture. S’il découvrait dans quoi les Templiers sont impliqués, le pape
serait outré. Mais je ne pense pas que seul, le livre soit suffisant pour le
convaincre de dissoudre l’Ordre.
Ces
mots portèrent un coup à Nicolas, mais il retrouva rapidement son aplomb.
— Si
je peux me permettre, maître, ce n’est pas simplement sa nature hérétique qui
pourrait être reprochée à l’Ordre. Mes informateurs m’ont dit que l’allégorie
contenue dans le livre recèle également les objectifs et les plans de l’Anima
Templi. Des objectifs, m’ont-ils assuré, qui pourraient mettre à terre le
Temple s’ils étaient dévoilés. En m’envoyant le chercher, c’est très exactement
ce qu’espérait le grand maître de Châteauneuf.
— Même
si c’est le cas, mon frère, les stratégies dissimulées au sein de la narration
ne peuvent être claires que pour ceux qui savent explicitement de quoi il
s’agit. Le Temple a d’ailleurs lancé une enquête sur ce groupe il y a des
années, sans rien découvrir. Si nous voulons porter des accusations, il nous
faut des preuves supplémentaires. Avez-vous une idée précise de la nature des
objectifs de l’Anima Templi ?
— J’ai
des soupçons, répondit Nicolas en se penchant vers son interlocuteur et en
posant sur lui son regard intense. Je sais que l’Anima Templi existe, maître.
Après l’attaque du Temple contre notre Ordre, le Cercle s’est séparé. Mais le
prêtre, Everard de Troyes, poursuit toujours les buts qu’Armand et les autres
s’étaient fixés à l’origine. C’est un fait absolument certain.
— Je
ne discute pas ce que vous dites, mais nous n’aurons pas de seconde chance et
nous devons être certains de viser exactement au bon
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