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Le livre du cercle

Le livre du cercle

Titel: Le livre du cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robyn Young
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vers le bureau en acajou où se
trouvait le résultat de dix ans de sa vie. Le livre relié en vélin avait été
mis de côté afin de faire de la place aux rouleaux de parchemin et à l’encrier
dont avait besoin le secrétaire pour écrire la lettre dictée par le grand
maître de l’Ordre de Saint-Jean, Hugues de Revel. C’était un homme grand et
mince, dans la quarantaine, portant élégamment barbe et moustache. Il était
assis, raide, dans une chaire. Le clerc, quant à lui, était installé au bord
d’un divan matelassé, presque du bout des fesses eût-on dit, comme s’il ne
voulait pas donner l’impression de s’asseoir trop confortablement. Dissimulant
son impatience derrière une expression calme et concentrée, Nicolas regarda de
nouveau par la fenêtre.
    Il
attendait cette rencontre depuis cinq mois, c’est-à-dire depuis son arrivée en
Acre l’été précédent. À peine débarqué, il s’était rendu à l’hôpital pour
remettre Le Livre du Graal au grand maître, lequel, quand Nicolas avait pris
pour nom de Navarre et était parti pour Paris, était un simple chevalier, comme
lui. Mais quelques semaines après son arrivée, la rivalité entre les marchands
génois et vénitiens pour le contrôle du port avait occasionné une dispute, et
celle-ci avait dégénéré en une guerre civile qui avait duré tout l’automne. Les
souverains d’Acre étaient nombreux, entre ceux qui étaient nommés par des
pouvoirs extérieurs et ceux qui se déclaraient tels. Revel, qui faisait partie
du nombre, avait dès lors passé le plus clair de son temps en négociations et
en pourparlers, si bien qu’il n’avait pas pu le voir jusqu’à ce jour.
    — En
conclusion, je vous envoie vingt chevaliers pour renforcer la garnison de la
commanderie de la noble cité d’Antioche.
    Le
grand maître s’interrompit et réfléchit un instant tout en caressant sa barbe
entre son pouce et son index.
    — J’aimerais
pouvoir vous envoyer plus d’hommes, cher frère, mais les événements de ces
dernières années nous ont considérablement diminués.
    Le
clerc leva la tête puis il glissa la plume sur le parchemin et écrivit les mots
du grand maître, accompagné par le grattement que faisait la pointe taillée sur
le document.
    — Terminez
en l’assurant de mon estime et donnez le tout à la compagnie qui part là-bas,
conclut Revel.
    — Oui,
maître, dit le clerc.
    Il
ramassa ses parchemins, sa plume et son encrier, et quand il partit, ne fit pas
un bruit en marchant sur les tapis de soie vert jade et rose qui recouvraient
les dalles blanches du sol.
    Se
dirigeant vers le divan, Revel posa les yeux sur Nicolas.
    — Asseyez-vous,
frère d’Acre.
    Nicolas
s’exécuta avec plus de naturel que le clerc, mais il se sentait tendu. Il
croisa le regard du grand maître. Bien que de constitution fluette, Hugues de
Revel était un homme d’une grande fermeté. Un roseau avec une tige d’acier.
Cinq mois plus tôt, quand il l’avait rencontré une première fois, Nicolas avait
lu dans ses yeux la résolution et la détermination dont cet homme était
capable. Aujourd’hui, il pouvait encore les discerner.
    — Je
n’ai pas pu m’empêcher d’entendre, maître. Nous envoyons des troupes à Antioche
?
    Le
grand maître se pencha vers lui en posant sur ses genoux des mains aux longs
doigts effilés. Le manteau noir orné d’une croix blanche flottait de part et
d’autre de son corps.
    — Nous
envoyons des troupes partout. J’ai reçu un message de l’un de nos espions au
Caire. Nous savons que Baybars prévoit de lancer une nouvelle campagne ce
mois-ci, seulement il masque son jeu et nous n’arrivons pas à dénicher
d’informations certaines sur la ville qu’il se propose d’attaquer en premier.
Acre est sa cible depuis le début, mais chaque fois que nous repoussons ses
assauts, il tourne ailleurs sa colère et nous inflige des revers sanglants dans
les commanderies les moins bien défendues. Avec le temps, cependant, ce genre
de commanderie se fait de plus en plus rare. Antioche m’inquiète tout
particulièrement, car c’est l’une de nos places fortes les plus précieuses et
je doute que le prince Bohémond, si Baybars l’attaquait de nouveau, aurait de
quoi payer une deuxième fois pour assurer sa survie.
    Nicolas
opina de la tête. Un chevalier lui avait parlé de la tentative des Mamelouks
pour prendre Antioche, quatorze mois plus tôt. Quand les généraux de Baybars
s’étaient

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