Le livre du cercle
en avant et Simon fut obligé de le retenir. En
dépit de la faiblesse de sa constitution, il conservait une force étonnante et
Simon dut bander ses muscles pour l’empêcher d’avancer.
— S’il
te plaît, Will ! On va attraper la mort !
— Quand
je ferme les yeux, je ne vois qu’elle !
— Elwen
? demanda Simon en s’agrippant à Will.
Le
regard de Will sembla revenir à la réalité.
— Je
croyais que c’était elle, Simon. La fille... je croyais que c’était elle.
C’était comme un rêve. Je l’ai désirée. Je... je l’ai touchée... et...
Il
secouait la tête, en proie au délire.
— Et
quand j’ai vu son visage, son vrai visage, j’ai voulu lui dire d’arrêter. J’ai
essayé, Simon, tu dois me croire. Mais je ne pouvais pas parler. Je ne pouvais
pas bouger! Je peux encore sentir son odeur. C’est insupportable !
— Tout
va bien aller, lui dit Simon d’une voix si faible qu’elle fut couverte par le
bruit du courant.
— Elwen
m’a vu.
— Quand
nous aurons le livre, nous retournerons à Paris et tu lui expliqueras tout. Tu
lui diras ce que tu viens de me raconter.
— Je
lui dirai quoi, Simon? Que j’ai couché avec une pute en la prenant pour elle ?
Les
larmes de Will le submergèrent.
— Pourquoi
est-elle partie ? Je ne comprends pas. Elle sait très bien que je n’aurais
jamais pu faire ça ! Je ne comprends pas.
— Elwen
te pardonnera, balbutia Simon, bouleversé par des émotions contradictoires.
Il
espérait avoir raison et, en même temps, il aurait fallu qu’il se confesse pour
alléger sa propre culpabilité. Mais les mots restaient coincés dans sa gorge,
ils l’étouffaient.
— Et
si elle ne te pardonne pas... peut-être... peut-être que c’est mieux ainsi,
bafouilla-t-il.
— Comment
cela pourrait-il être mieux ? cria Will d’une voix rendue presque inaudible par
les sanglots.
— Parfois,
il y a des raisons pour que les malheurs arrivent. Peut-être que tu lui as
demandé trop tôt de devenir ta femme ? Peut-être devriez-vous attendre un peu
pour être certains que c’est ce que vous voulez ?
— Je
ne veux pas attendre !
Will
pataugea pour rejoindre la berge mais il glissa et s’effondra dans l’eau. Simon
l’attrapa par les épaules et le remit debout.
— Tu
ne vois donc pas ? hurla Will, parcouru par des tremblements. J’ai attendu
toutes ces années pour rien. J’ai attendu que mon père me pardonne et il est
mort ! Je ne peux pas attendre qu’elle me pardonne !
Will
vacilla et Simon lutta pour qu’il reste d’aplomb.
— Laisse-moi
! soupira Will d’une voix désespérée.
—
Jamais de la vie, lui répondit Simon.
Maintenant
qu’il n’opposait plus de résistance, Simon parvint à le tirer sur la berge.
— Qu’est-ce
que vous avez fait? s’exclama soudain Everard en sortant du buisson et en
découvrant Will et Simon affalés dans la boue, trempés et tremblants.
Tandis
qu’ils faisaient un petit feu pour réchauffer Will, Simon supporta en silence
la colère d’Everard. Le prêtre pestait contre eux à cause du retard que cette
histoire allait encore accentuer. Pris par la fièvre, Will entendait à peine sa
colère. Pendant qu’Everard fulminait en rangeant les provisions, Simon essaya
de le persuader de manger un morceau de pain, mais sans succès. Depuis qu’ils
étaient sortis de l’eau, Will n’ouvrait la bouche que pour tousser.
Pour
finir, Everard piétina le petit foyer et ils se remirent en route, espérant
atteindre Orléans avant la tombée de la nuit. Comme Will était trop faible pour
monter seul, Simon s’assit derrière lui et le ceintura tout au long du chemin
pour l’empêcher de tomber de selle. Everard tirait sa jument en maugréant.
Malgré la lenteur épouvantable de leur progression, ils arrivèrent en vue de la
ville le soir même, comme prévu.
Mais
ils n’auraient pas à entrer dans Orléans, dont les portes allaient bientôt être
fermées pour la nuit. Avant d’atteindre l’enceinte, ils bifurquèrent vers la
Loire pour contourner un petit bois derrière lequel se trouvait la vieille
église Saint-Marc, sanctuaire autour duquel s’était organisée la commanderie.
Le ciel de cette fin de journée était grisâtre et il commençait à pleuvoir
quand ils arrivèrent finalement. C’était un domaine aux dimensions modestes
surplombant la Loire, mais il y avait, outre l’église, des écuries, et les
bâtiments étaient bien entretenus. Le commandeur vint en personne
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