Le livre du cercle
endroit. Notre inimitié à
l’égard du Temple est connue. Nous pourrions être châtiés si nous semions sans
raison le trouble en un moment où l’Outremer est si instable. Le pape compte
sur le Temple autant que sur nous pour contenir les Sarrasins. J’estime que nous
devrions réunir davantage d’informations sur ce groupe et ses objectifs avant
d’agir. Les témoignages de ceux qui y ont été impliqués, vos informateurs,
renforceraient singulièrement nos arguments.
— L’homme
qui m’a parlé du livre est mort il y a plusieurs années. Il était le seul à
être prêt à témoigner contre l’Anima Templi, et encore, à condition que nous
entrions en possession du livre. Tous les autres avec lesquels j’ai été en
contact avaient trop peur des représailles qu’auraient pu leur valoir une
trahison, je le crains.
— Ne
pourriez-vous en persuader certains ?
Nicolas
garda le silence quelques instants.
— C’est
possible, tout dépend des moyens qu’on y met.
— Bien,
fit Revel en se redressant. Cela pourrait être d’une grande utilité pour nous à
l’avenir.
— A
l’avenir, maître ? Nous devrions-nous pas agir le plus vite possible ? Plus
vite nous procéderons, plus vite le Temple tombera.
Revel
réfléchit quelques instants avant de répondre.
— Quand
le grand maître de Châteauneuf m’a parlé de cette histoire, je confesse avoir
pensé que c’était une cause désespérée. Pour moi, il chassait des fantômes.
Après sa mort, lorsque vous m’avez écrit pour m’informer de la disparition du
livre, mon propre intérêt pour votre infiltration au cœur du Temple résidait essentiellement
dans la possibilité d’en savoir plus sur leurs possessions : les fonds qu’ils
possèdent, leurs propriétés, les saintes reliques. En venant me voir il y a
quelques mois, vous m’avez donné une liste assez exhaustive de leurs domaines
au royaume de France mais j’avais espéré pouvoir en tirer une estimation
raisonnable de l’ensemble de leur valeur financière.
— Je
n’en vois toujours pas la raison, maître. Puis-je me permettre de vous demander
en quoi cela vous intéresse ?
Le
grand maître caressa sa barbe entre ses doigts effilés, comme s’il hésitait à
répondre à la question.
— Mon
intérêt est dû à la proposition à laquelle certains d’entre nous, à l’intérieur
de l’Ordre, réfléchissent depuis quelque temps.
— Une
proposition, messire ?
— Nous
débattons pour décider si nous devons ou non essayer de nous allier au Temple.
Stupéfait,
Nicolas fixait le grand maître.
— Vous
ne l’envisagez sûrement pas sérieusement, maître ?
— Je
n’ai aucune tendresse pour le Temple, frère. Ce qu’Armand et ses chevaliers nous
ont infligé était impardonnable. Mais le Jihad de Baybars ne nous laisse guère
le choix. En mettant nos ressources en commun, nous serions peut-être capables
de résister à son armée assez longtemps pour reconquérir certains de nos
territoires. Dans le cas contraire, nos deux Ordres sont menacés, nous risquons
tous de tout perdre.
— Avec
tout le respect que je vous dois, messire, vous n’étiez pas là quand Armand et
ses chevaliers ont assiégé Acre. Vous n’avez aucune idée de ce que nous avons
traversé au cours de ces mois.
— Restez
courtois quand vous vous adressez à moi, frère.
Nicolas
suivit ce conseil. Voir ses efforts rabaissés par cet homme était déjà
insupportable, mais les voir pervertis était pire que tout.
— Si
le Temple tombe maintenant, frère, reprit Revel, nous tomberons avec lui. Nous
ne pourrons mener à terme notre rêve d’une Terre sainte chrétienne qu’en nous
alliant à eux. Comme je l’ai dit, vous avez fait beaucoup de sacrifices, mais
nous devons maintenant nous résoudre à une abnégation encore plus grande et
travailler avec notre ennemi pour œuvrer au bien, ou nous devrons faire face à
la possibilité bien réelle de ne pas vivre un autre hiver sur ces terres.
Nicolas
voulut protester mais Revel poursuivit sans lui en laisser le temps.
— Il
me faut prendre une décision dans l’intérêt supérieur de notre Ordre. Pour le
moment, toute tentative pour saper ou détruire le Temple irait à son encontre.
Si nous survivons à cette guerre et que nous parvenons à reconquérir assez de
territoire, nous retrouverons peut-être une position assez stable pour attaquer
les Templiers sans nuire à notre cause. Mais en attendant que de telles
conditions
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