Le livre du cercle
?
Des
vociférations incohérentes répondirent à sa question. Puis quelque chose heurta
violemment les murailles. La tour vibra sous l’impact et un déluge de pierre
s’abattit dans la rue, à l’extérieur. Will grimpa les escaliers à toute allure.
— Qu’est-ce
que je dois faire ? lui cria Simon.
— Va
t’occuper des chevaux.
— Will
!
Le
chevalier s’arrêta au milieu des escaliers et regarda derrière lui.
— Quoi
?
Simon
le fixait. Il déglutit avec difficulté puis secoua la tête.
— Rien.
Il
resta là encore un moment après que Will eut disparu, jusqu’à ce qu’une autre
violente attaque contre les murailles le décide à courir dans la rue, où il se
dirigea vers l’atelier de poterie au milieu d’une pluie de pierres et de
poussière.
Will
courut dans les escaliers.
— Qu’est-ce
qui se passe ? demanda-t-il à un sergent qui venait en sens inverse. Ils
attaquent notre section ?
— Toutes
les sections, messire ! balbutia le sergent en se dépêchant. Ils attaquent
toutes les sections !
Will
se hâta de rejoindre les remparts où Robert, qui n’avait pas eu le temps de
finir de s’habiller, aidait Lambert et deux autres chevaliers à hisser le long
de la tour une pierre énorme qui servirait de projectile pour le mangonneau.
Ils y mettaient toutes leurs forces, muscles tendus. Will courut leur donner un
coup de main, mais son regard vola par-dessus les remparts et il s’arrêta net.
Les Mamelouks s’étaient mis en position de combat pendant la nuit, ils
couvraient maintenant la plaine et les pentes des montagnes de leur masse
écumante. Capes, turbans, chevaux, lances, échelles, béliers et catapultes se
mélangeaient en un tumulte effrayant.
Pendant
que Will observait l’armée ennemie, les trois mandjaniks les plus proches de sa
section se mirent en action. Les madriers percutèrent les poutres centrales en
projetant trois pierres immenses vers les murailles, entre les deux tours. En
s’écrasant, elles firent trembler les tours sur leurs fondations et explosèrent
une partie de la maçonnerie. Will entendit un cri en provenance de la tour
adjacente, il se retourna et vit un chevalier au sol. Il avait reçu un éclat
mortel. Juste à côté, Garin s’occupait de la manœuvre de l’espringale. Will
sortit de son hébétude et se rua pour aider Robert et Lambert tandis que Garin
déclenchait l’engin, tirant un javelot au cœur des forces mameloukes. Will
n’attendit pas de voir s’il touchait une cible, il agrippa une des cordes du
mangonneau et en libéra le madrier.
Tout
autour des murailles, à l’exception du sommet escarpé de la montagne et des
rives marécageuses de l’Oronte où le terrain était impraticable, l’assaut avait
commencé. Le fracas des pierres était aussi régulier et sonore que le roulement
des tambours, ils se faisaient écho les uns aux autres à travers la vallée tels
de terrifiants coups de tonnerre. Des pots de naphte rougeoyants jetés sur les
murs embrasaient hommes et engins de siège. Certaines compagnies mameloukes
catapultaient avec leurs engins des barriques de poix qui décollaient du sol
comme des comètes et explosaient sur les tours en provoquant des gerbes
enflammées illuminant l’aurore. Des pointes de flèches évidées et remplies de
naphte et de soufre noir prenaient feu dès qu’elles étaient tirées par les
archers. Les hommes frappés par ces missiles tombaient à genoux, d’autres
chutaient des remparts en hurlant, torches humaines en combustion, et sur une
section, toute une compagnie d’Hospitaliers fut emportée par une pierre.
Les
hommes d’Antioche défendirent vaillamment la place. Ils abattirent les échelles
que les Mamelouks appuyaient contre les murs, décochèrent des salves de flèches
dans l’infanterie, qui répondait en leur envoyant à la fronde des balles
d’argile, et catapultèrent des boulets dans la cavalerie pour écraser autant de
chevaux et d’hommes que possible.
Mais
les murs de Justinien, aussi résistants fussent-ils, ne suffirent pas à
contenir la détermination de l’armée ennemie. Pendant des siècles, ils avaient
cédé aux Perses, aux Arabes, aux Byzantins, aux Turcs et aux Francs. Qu’ils
cèdent une fois de plus était inévitable. C’était une simple question de temps.
— Il
nous faut des hommes là-haut, hurla Lambert en faisant un geste en direction
des pentes montagneuses, à environ une demi-lieue d’ici, où toute une partie
des murailles
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