Le livre du cercle
Templi ne propose pas de modifier les
religions pour les accorder les unes aux autres. Ce que nous voulons, c’est une
trêve mutuelle qui permettrait aux enfants de Dieu de partager leur
connaissance et leur expérience. Et c’est ici et maintenant que nous allons
commencer. Acre sera notre Camelot.
— Je
n’aurais jamais cru que vous étiez idéaliste à ce point.
Les
yeux d’Everard se plissèrent.
— Ton
père croyait en cette mission, et si nous avions réalisé notre rêve, il serait
peut-être toujours en vie. Devrions-nous ignorer l’idéal parce qu’il est trop
merveilleux et que nous ne saurions y prétendre ? Ou est-ce parce que nous
avons peur de ce qu’il nous faudra accomplir pour le réaliser ?
— Everard,
vous ne voyez pas le monde tel qu’il est en réalité, rétorqua Will, piqué au
vif par la mention de son père. Vous êtes enfermé dans votre petite chambre et
vous restez assis là, à imaginer des choses qui n’auront jamais lieu. Acre est
peut-être paisible, mais regardez au-delà de ses murs et vous ne trouverez que
la haine et la mort. Si le but de l’Anima Templi pouvait être atteint, les gens
auraient arrêté de guerroyer il y a longtemps. Il est impossible de réconcilier
nos religions. Elles sont trop différentes.
— La
foi n’a en général rien à voir avec la guerre. Quand les hommes envahissent une
contrée étrangère parce que la terre y est meilleure, qu’elle dispose de
ressources ou simplement parce qu’ils veulent accroître leur puissance, ils se
servent de leur croyance comme d’une excuse. En fait, elle ne leur sert qu’à
dissimuler la vénalité de leurs intentions. Parler de volonté divine justifie
leurs actes. Nous nous sentirions tous bien trop coupables si nous disions, Je
le veux, n’est-ce pas ? On cesserait de nous considérer comme des hommes doués
de raison, nous deviendrions aux yeux de tous des brutes cupides et
insatiables. Il est rare que les hommes partent pour la guerre simplement à
cause de leurs croyances. Des hommes comme Baybars et Louis ont la foi. C’est
ce qui les rend dangereux.
— Alors
vous êtes d’accord. Il faut arrêter Baybars.
— Tue
l’homme, tu en feras un martyr. Baybars agit selon sa foi. Il protège son
peuple de ceux qu’il voit comme des ennemis. Et il n’a pas tort.
Everard
leva le bras pour empêcher Will de prendre la parole.
— Ce
que nous souhaitons accomplir va bien au-delà de Baybars. Je doute que nous y
parvenions de mon vivant. Peut-être n’y arriverons-nous jamais. Mais nous
devons garder espoir, William, nous devons croire que chacun peut s’améliorer.
— Donc,
vous voulez reconstruire l’Anima Templi et poursuivre votre plan?
— Oui,
j’ai prévu d’élire de nouveaux membres, ici et en Occident, et de désigner un
Gardien.
Everard
s’interrompit un instant, l’air pensif, avant de poursuivre.
— En
fait, c’est pour cela que je voulais te voir ce soir. Je souhaite que tu passes
le rituel d’initiation et que tu entres dans l’Anima Templi. C’est-à-dire, si
tu penses que tout ça n’est pas que chimères.
— Moi?
— Et
pourquoi pas ? Tu sais tout et je crois que nous avons appris à travailler
ensemble en bonne intelligence. Je ne t’ai pas fouetté depuis longtemps, non ?
— Je
ne sais pas, répondit Will d’un air réticent. Vraiment, je ne sais pas...
— Qu’est-ce
que tu ne sais pas ?
— Si
je suis d’accord avec vous, pour commencer.
— Je
suis heureux de l’entendre. Par le passé, si nous avions tous été d’accord au
sein de l’Anima Templi, nous aurions suivi toutes les idées parfois stupides
qui se sont présentées. La dissension n’est pas toujours une mauvaise chose.
Hasan avait raison, je me cramponnais trop à mes idées. Nous avons besoin de
jeunes gens comme toi pour redonner de la vigueur à notre mouvement.
Le
chevalier garda le silence un moment, puis il finit par acquiescer.
— Ton
père aurait été fier de toi, dit Everard en lui souriant.
Will
se sentait floué. Il avait traversé toutes ces épreuves, perdu son père et
Elwen, tout ça pour qu’Everard détruise ce qu’il avait désespérément cherché à
sauver. Il n’éprouvait ni soulagement ni fierté d’avoir contribué à sauvegarder
l’Anima Templi. Pour lui, l’objectif du Cercle était impossible à atteindre. Et
songer qu’il y avait collaboré pendant huit ans, dont six sans le savoir...
Vis-à-vis du sultan aux yeux bleus, le projet de
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