Le livre du cercle
portait
à la main, par ses deux oreilles, la tête d’un lièvre. Traversant la pénombre,
il vint se placer à proximité du brasero. Puis il s’allongea à quatre pattes en
signe de soumission. Avec ses longs membres squelettiques étalés sur le sable,
Omar avait l’impression de voir une araignée prête à bondir sur sa proie.
L’officier ne comprenait pas pourquoi Baybars souhaitait tellement impliquer ce
misérable dans une affaire aussi cruciale.
— D’où
arrives-tu ? l’interrogea Baybars.
— Je
chassais, répondit Khadir d’une voix exaltée.
La
dague au pommeau doré qui pendait à la chaîne autour de ses hanches était
couverte de sang. Il se leva et caressa les oreilles du lièvre.
— C’est
si doux, murmura-t-il.
— As-tu
découvert ce que je veux savoir ? lui demanda Baybars tandis que Kalawun
s’asseyait sur une couche.
— Oui,
maître. Nous avons la clé du trône.
— Qu’est-ce
que cela signifie ? s’enquit Omar.
— Aqtai,
le chef d’état-major du sultan, expliqua Baybars. C’est lui qui désignera le
successeur.
— Je
l’ai observé attentivement ces dernières semaines, reprit Khadir. C’est un
faible. Il nous obéira. L’étoile rouge de la guerre domine le ciel, et elle
appelle le sang.
— Ne
t’inquiète pas pour ça, elle aura du sang, répondit Baybars.
Il
se tourna vers Omar et Kalawun.
— Qutuz
a décrété que nous resterons ici toute la journée de demain. Après la prière du
lever du soleil et son premier repas, Qutuz se rendort toujours pour une sieste
d’une heure. C’est là qu’il a le moins de gardes autour de lui. Son pavillon
est dressé juste sous les murs de la ville. À cet endroit, il y a une
plantation de citronniers. Nous nous y cacherons dès l’aube, et quand Qutuz ira
se recoucher, nous surgirons par-derrière et ferons irruption dans sa tente.
Kalawun, tu t’occuperas des deux gardes royaux avant de te poster à côté du
trône. Omar, tu resteras avec moi pour empêcher ses serviteurs d’intervenir. Je
tuerai Qutuz moi-même.
Les
deux hommes hochèrent la tête.
— Nous
n’aurons pas beaucoup de temps, continua Baybars. Kalawun, va voir Aqtai
maintenant. Il faut qu’il soit présent à ce moment-là pour me confier le trône.
— À
vos ordres, émir Baybars, dit Kalawun en se levant.
— Aqtai
s’est retiré dans son pavillon il y a une heure, l’informa Baybars.
Kalawun
sortit de la tente et traversa le camp. Comme l’armée ne devait rester qu’une
nuit à al-Salihiyya, beaucoup d’hommes dormaient à la belle étoile, à proximité
des feux. Le roulement des tambours s’était arrêté et le calme était retombé
sur le campement. Un peu plus loin, il aperçut les silhouettes des engins de
siège et des chariots qui se découpaient dans l’obscurité, ainsi qu’un troupeau
de chameaux qu’on emmenait boire dans un des nombreux ruisseaux traversant la
plaine. Kalawun dépassa le pavillon royal et observa le trône entre les deux
battants. Quelques gardes se tenaient à proximité, raides et silencieux comme
la mort.
Kalawun
approchait de la tente du chef d’état-major du sultan.
—-
Officier Kalawun !
Kalawun
s’arrêta. L’homme qui venait de l’interpeller était l’un des généraux qu’il
avait soudoyés un peu plus tôt dans la soirée.
— Nous
devons parler, dit le général en venant se placer devant lui.
Kalawun
hocha respectueusement la tête.
— Pour
le moment, général, j’ai une audience avec le chef d’état-major du sultan. Nous
parlerons ensuite.
— Si
c’est un allié que vous cherchez, dit le général en faisant un signe vers la
tente d’Aqtai, vous n’en trouverez pas ici.
— C’est-à-dire
? fit Kalawun en fronçant les sourcils.
— J’ai
des informations de la plus haute importance.
Kalawun
jeta un regard alentour, puis il fit signe au général de le suivre à quelque
distance de la tente d’Aqtai, dans un recoin obscur.
— Racontez-moi.
Le
général sourit légèrement, avec un air cupide.
— Comme
je l’ai dit, ces informations sont de la plus haute importance.
— Tu
seras récompensé, lui répondit Kalawun avec impatience.
Le
général réfléchit un instant, puis se lança.
— Avec
l’aide de son chef d’état-major, le sultan a organisé une chasse demain matin,
aussitôt après la prière. Qutuz y invitera Baybars, et il a l’intention d’en
profiter pour le tuer.
Kalawun
prit une profonde inspiration.
— Pourquoi
Qutuz
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