Le livre du cercle
ferait-il une chose pareille ? A-t-il eu vent de notre plan?
— Non,
répondit le général. Je pense qu’il songe à tuer Baybars depuis un moment. Il
est trop populaire auprès des soldats, et pas seulement les Bahrites. Sa
puissance l’effraie, il a peur qu’il ne se retourne un jour contre lui.
— Comment
es-tu au courant de cette intrigue ?
— Qutuz
pense que ma loyauté lui est acquise. J’ai participé tout à l’heure à
l’entrevue où tous les détails ont été mis au point.
Kalawun
secoua la tête, incrédule.
— Combien
seront-ils, à cette chasse ?
— Qutuz,
six gardes royaux et cinq généraux, dont moi-même.
— Peux-tu
convaincre les généraux que nous n’avons pas encore ralliés à notre cause ?
— Peut-être
un ou deux, mais pas plus.
— Baybars
te récompensera pour ta loyauté.
— J’ai
confiance en sa générosité.
Kalawun
quitta le général et refit le chemin en sens inverse. Quand il arriva dans la
tente, Omar et Baybars étaient toujours en pleine conversation.
— Émir,
dit-il en les interrompant.
Baybars
leva les yeux vers lui.
Chapitre 12
Honfleur, Normandie
23 octobre 1260 après
J.-C.
Hasan
accentua la pression de sa dague sur la gorge de Will.
— Pourquoi
me suis-tu ? répéta-t-il. Réponds !
Will
avait du mal à comprendre ce qu’il disait, son accent étranger donnant aux mots
qu’il prononçait une couleur inhabituelle.
— Je
ne vous suivais pas, parvint à articuler Will en se forçant à regarder l’homme
dans les yeux.
Le
visage de Hasan se contracta.
— Ne
me prends pas pour un idiot. Tu n’arrêtes pas de me regarder d’un drôle d’air
depuis que nous avons quitté l’Angleterre.
— J’étais
simplement curieux de voir où vous alliez. J’ai entendu les autres sergents
parler. Us disent que vous êtes un Sarrasin, ils ne vous font pas confiance.
— Je
vois, fit Hasan d’un air songeur. Et donc tu me suivais... Tu croyais que
j’allais tuer des chrétiens, violer des nonnes, dévorer des enfants ?
Hasan
grimaça en une sorte de rictus.
— C’est
ce que font les Sarrasins, non ? répondit Will d’une voix balbutiante.
Le
sourire de Hasan s’évanouit. Il recula, baissa la dague et sortit quelque chose
de son sac.
— Regarde,
dit-il en montrant un pain. Voilà ce que je faisais. J’achetais à manger.
Il
remit le pain dans le sac et glissa la dague dans un petit fourreau en cuir
qu’il portait à la hanche.
— Je
suggère que tu retournes au bateau. Cette ruelle n’est pas un endroit sûr pour
les enfants, aussi intrépides soient-ils.
Will
se dégagea et commença à s’éloigner d’un pas raide. Il sentait le regard de
Hasan dans son dos. Quand il arriva au bout du passage, il se retourna : Hasan
n’avait pas bougé, il le suivait encore des yeux. Will se mit alors à courir.
L’Endurance
avait levé l’ancre. La cargaison avait diminué de volume, Will prit une caisse
et se dirigea vers l’Opinicus. Mais il dut s’arrêter deux fois sur le chemin
pour attendre que ses jambes arrêtent de trembler. C’était une chose de se
battre contre un sergent, c’en était une autre de sentir la lame froide d’une
dague contre son cou.
Des
torches avaient été allumées sur l’Opinicus afin d’éclairer le pont et le quai
en dessous. Garin était occupé à transporter un coffre dans la petite cabine de
la reine.
Depuis
le pont, Owein vit Will arriver.
— Sergent
! Est-ce que c’est à toi ?
Will
reconnut le sac qui contenait ses vêtements et son épée.
— Oui,
maître, répondit-il en posant la caisse sur un muret.
— Ne
le laisse pas traîner n’importe où, le tança Owein en lui jetant le paquet. Je
doute que la reine apprécierait que tes vêtements se mélangent à ses affaires.
Puis
le chevalier se retourna pour diriger la manœuvre de deux sergents qui
portaient une lourde caisse. Will observa son maître un moment. Il se demandait
s’il devait lui parler de ce qui venait de se passer. Hasan était armé et
dangereux. Mais s’il était avec Jacques, peut-être Owein était-il au courant
que c’était un Sarrasin... Will n’y comprenait plus rien. Et la lettre qu’il
avait trouvée dans la cellule, était-elle liée à Hasan d’une manière ou d’une
autre, ou s’agissait-il de tout autre chose ?
Soudain,
un mouvement attira son attention. Quelqu’un se faufilait entre les cabanes en
bois qui longeaient le quai. La silhouette s’était accroupie
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