Le livre du cercle

derrière l’une
d’entre elles, pour éviter d’être vue par un chevalier à la poupe de l’Opinicus.
Comme celui-ci se retournait, l’homme recommença à se mouvoir furtivement.
Fronçant les sourcils, Will longea le muret au-delà de l’Opinicus, d’où lui
parvenaient des cris et des jurons.
    Il
avait l’impression de connaître cette silhouette, il y avait quelque chose dans
la manière dont la capuche était rabaissée sur le visage qui lui était
familier. Puis la lumière se fit dans son esprit : c’était la dame de compagnie
qu’il avait vue trébucher sur la passerelle. Will sortit de l’obscurité au
moment où elle débouchait derrière l’une des cabanes.
    — Que
faites-vous ici ?
    La
jeune fille recula.
    — C’est
la reine qui vous envoie ? insista-t-il.
    Mais
au lieu de répondre, elle continua à reculer et ses pieds se prirent dans un
filet de pêche. Sa capuche glissa en arrière et Will reconnut Elwen avec
stupeur. Il lui fallut un moment pour reprendre ses esprits, après quoi il posa
son sac et se précipita pour l’aider à se relever.
    — Elwen
? Qu’est-ce que tu fais là ?
    Livide,
la jeune fille tremblait. Sa cape s’était défaite et Will vit une tache sombre
sur sa robe.
    — Tu
saignes ?
    — Non,
répondit-elle en le repoussant et en fermant sa cape. C’est le voyage qui m’a
rendu malade.
    — À
quoi pensais-tu ? lui demanda-t-il en la regardant. Comment es-tu montée sur l’Endurance
?
    — Je
me suis cachée dans la soute le dernier soir. Les gardes ont été distraits par
un bateau sur la Tamise, j’en ai profité. Je pensais qu’une fois arrivée ici,
mon oncle ne pourrait plus m’envoyer à Bath. Qu’il serait obligé de m’écouter.
    Elle
haussa les épaules.
    — Et
s’il ne m’écoute pas, je resterai ici et je trouverai un moyen d’arriver à
Paris.
    Will
la regarda avec un mélange d’incrédulité et de respect.
    — Tu
es...
    Mais
il s’interrompit car des hommes portant des robes noires et des masques de
squelette venaient d’arriver sur le quai. Ils étaient nombreux et avançaient en
formation serrée vers l’Opinicus. Ils dégainèrent tous en même temps leur épée.
    À
bord du bateau, les chevaliers les avaient vus approcher et s’étaient déjà
emparés de leurs armes. Deux des hommes en robe noire s’écartèrent du groupe
pour attaquer Owein, qui ne s’était pas aperçu de leur irruption. Will et Elwen
crièrent de concert pour l’avertir. Le chevalier se retourna et eut à peine le
temps de sortir son épée qu’un des hommes essayait de le transpercer. Le bruit
du métal s’entrechoquant résonna durement.
    —
Les joyaux ! hurla Owein tout en se défendant. Protégez les joyaux !
    Les
seize assaillants s’étaient dispersés sur le pont de l’Opinicus. En dehors de
deux matelots qui se battaient aux côtés des chevaliers et des trois sergents,
les autres membres de l’équipage n’étaient pas entraînés au combat. Ils
constituaient donc des cibles faciles et trois d’entre eux périrent dès la
première vague d’assaut. Le visage concentré, Jacques avait fort à faire avec
les deux hommes qui l’assaillaient. Recroquevillé contre la porte de la cabine,
    Garin
regardait terrorisé le combat que livrait son oncle. Un cri retentit lorsque
l’un des chevaliers se fit taillader la joue jusqu’à l’os avant d’être poussé à
l’eau.
    Will
voulut se précipiter à bord, mais il se rendit compte qu’il n’était pas armé.
Elwen le retint par le bras.
    — Qu’est-ce
que tu veux faire ?
    À sa
voix, Will comprit qu’elle était tétanisée par la peur.
    Au
même moment, il vit un colosse forcer Owein à reculer par une série d’allonges.
Le chevalier pivota et enfonça le tranchant de son épée dans le dos de son
adversaire, mais dans la manœuvre son bras droit avait été profondément
entaillé. De son côté, Jacques avait disposé des deux hommes et un troisième se
présentait maintenant à lui. Un autre chevalier fut tué, ainsi que deux
assaillants. Il y eut un cri à l’arrière du bateau : Garin venait d’être
renversé sans ménagement par un des hommes en noir, qui ouvrait la porte de la
cabine et y pénétrait. Will se retourna, se rappelant soudain que son sac était
posé près de l’endroit où Elwen était tombée. Il courut pour aller récupérer
son fauchon, puis il s’élança vers le bateau.
    — Non
! cria Elwen dans son dos. Will !
    Will
avait à peine sauté à bord