Le livre du cercle
équipe
était
partie à la commanderie réquisitionner les chariots nécessaires au déchargement
du bateau. La reine, quant à elle, avait dépêché deux gardes au palais, où sa
sœur Marguerite l’attendait. Quand son carrosse s’était présenté, tiré par
quatre chevaux à la robe noire, elle avait fait monter Elwen avec ses dames de
compagnie tandis que ses affaires étaient chargées dans un autre chariot.
— Je
l’emmène avec moi au palais, avait dit la reine, aux chevaliers tout en
grimpant dans l’intérieur capitonné. Votre commanderie n’est pas un endroit
convenable pour une dame. En particulier si elle est en deuil, avait-elle
ajouté en fixant le sergent qui avait réprimandé Elwen.
Puis
son attelage était parti. Les chevaliers et les sergents s’étaient alors engagés
dans les ruelles venteuses de la ville, dépassant la commanderie des
Hospitaliers, puis ils avaient remonté la rue du Temple, qui menait à leur
propre commanderie à l’extérieur des murs de la ville, à travers un charmant
paysage champêtre. Là-bas, on avait emmené Will jusqu’au dortoir où il avait
passé la majeure partie de la journée.
Aujourd’hui
serait son deuxième jour à Paris. Il serait surtout marqué par les funérailles
d’Owein.
Quand
les cloches sonnèrent les matines, Will resta assis sur le rebord de la
fenêtre. Les autres sergents se levèrent de leur paillasse, et ce fut bientôt
un chœur de bâillements et de voix ensommeillées. L’accent était étrange pour
Will, mais comme ils parlaient en latin, il comprenait ce qu’ils disaient. Dans
les commanderies, qui réunissaient sous le même toit des Templiers d’origines
diverses, le latin était la langue commune.
Les
sergents enfilèrent leurs tuniques noires pardessus les maillots de corps et
les culottes, puis ils firent la queue devant la bassine pour se laver le
visage. Robert était le quatrième. Après s’être aspergé, il s’essuya avec les
manches de sa tunique, plaqua ses cheveux blonds vers l’arrière et salua Will
de la tête.
— Tu
viens à la chapelle ? lui demanda-t-il en se dirigeant vers l’armoire qui se
trouvait dans un coin de la chambre.
Will
secoua la tête.
— Laisse-le
rester ici, Robert, si c’est ce qu’il veut.
Will
regarda Hugues, qui ajustait sa tunique. Celui-ci
lui
jeta un regard en coin.
— Tu
devrais peut-être dormir quand nous ne sommes pas là. Comme ça, nous ne serions
pas obligés de subir tes cauchemars.
Robert
leva les yeux au ciel en secouant la tête. Il avait pris une ramille sur une
étagère et se frottait les dents avec. C’était sans doute pour cela qu’il avait
des dents inhabituellement blanches.
— Ne
t’en fais pas, dit-il à Will en reposant la ramille sur l’étagère. Hugues a
besoin de sommeil, c’est tout.
Furieux,
Hugues se tourna vers Robert.
— Ne
parle pas de moi comme si je n’étais pas là ! Tu fais toujours ça !
En
les observant, Will réprima un sourire naissant. Les deux jeunes garçons, qui
avaient tous les deux un an de plus que lui, n’auraient pas pu être plus
différents. Robert était grand et mince, et il avait des traits délicats,
presque féminins. Hugues, quant à lui, était petit et joufflu, avec des yeux
sombres perçants à travers une épaisse touffe de cheveux noirs.
Hugues
leur tourna le dos et se dirigea vers une autre armoire. Il s’empara d’une cape
noire qu’il enroula autour de ses épaules.
— Ne
fais pas attention à lui, dit Robert d’une voix posée. Il a du mal à être
naturel avec les gens qu’il ne connaît pas.
Et
comme Will ne répondait pas, il ajouta :
— A
cause de son nom.
— Son
nom ? demanda Will avec nonchalance.
— Hugues
de Pairaud. Humbert, le maître d’Angleterre, est son oncle. Sa famille sert le
Temple depuis des années et Hugues a toujours peur que les sergents d’une
ascendance moins noble ne cherchent son amitié que pour s’en vanter.
— De
quoi parles-tu ? demanda Hugues, qui traversait la chambre pour sortir.
— Je
disais à Will qu’un jour tu seras grand maître.
— C’est
vrai, répondit Hugues avec une pointe d’arrogance dans la voix. Ou au moins
visiteur du royaume de France. C’est à ça qu’on me prépa...
— Si
tu dis une fois de plus que c’est à ça qu’on te prépare, je te fouette, le
coupa Robert.
Puis
il entraîna Hugues vers la porte.
— Allons,
Hugues. Dieu t’a donné une âme, voyons s’il peut t’offrir un
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