Le livre du cercle
pas venu pour te tuer, mon garçon, dit Rook d’une voix presque gaie. Je
voulais juste m’assurer que tu n’avais pas parlé. Et le seul moyen d’être
certain que tu me répondes franchement, c’était de te faire peur.
Il'
rengaina la dague.
— La
perte des joyaux a fait beaucoup de peine à mon maître. Mais il pense qu’en le
servant fidèlement, tu finiras par rembourser ta dette. Avant cette histoire à
Honfleur, il te croyait plus débrouillard.
— Non,
dit Garin en essuyant du revers de la main ses joues trempées, je refuse de
quitter l’Ordre.
Rook
plissa les yeux.
— Ce
n’est pas non plus son intérêt. Tu as plus de valeur pour lui si tu y restes.
Même si tu n’es que sergent, ton statut te donne du pouvoir. Un pouvoir qu’il
s’agit d’utiliser à bon escient.
— Non,
répéta Garin avec détermination. Mon oncle est mort à cause de lui. Je ne le
servirai plus.
— Oh
si, tu le serviras. Et tu lui en seras reconnaissant, encore ! Qu’est-ce qui
t’attend à ton retour à Londres ? demanda-t-il sur un ton doucereux.
Garin
tressaillit en y songeant.
— Je...
Je ne sais pas.
— Et
moi, je crois que tu le sais très bien.
Rook
souriait, mais son expression était grave.
— Jacques
était un homme puissant, il jouissait d’une grande influence. Peu d’hommes ont
une situation aussi enviable. Il aurait pu t’assurer un grand avenir. Tu es
aussi responsable de sa mort que celui qui a ordonné l’attaque.
— Ce
sont vos mercenaires qui l’ont tué ! Ce n’est pas ma faute ! #
— Certes,
le coup est venu de leurs épées. Mais si tu avais tenu ta langue, le coup
n’aurait pas été porté.
Rook
soupira.
— Voilà
comment tu as perdu une bonne opportunité d’honorer le nom de ta famille.
N’est-ce pas ce que tu voulais ? Mon maître ne t’avait-il pas dit qu’il pouvait
t’aider?
Rook
ouvrit sa tunique et défit le nœud qui liait la bourse en velours à sa
ceinture.
— Tiens,
dit-il en la fourrant dans les mains de Garin. Mon maître est un homme juste.
Garde l’or. Accepte sa requête et il te conservera sa faveur. Si tu refuses,
Dieu sait ce qui arrivera. Grande est son influence. Il peut te rendre la vie
facile, ou il peut te la rendre insupportable.
Garin
fixa un moment la bourse, puis il la tendit à Rook.
— C’est
pour mon oncle que je voulais rendre à notre nom son prestige. Maintenant qu’il
est mort, ça n’a plus d’importance.
Pendant
quelques instants, ils se turent tous deux.
— Et
ta mère ? s’enquit doucement Rook. Ça n’a pas d’importance pour elle ?
— Tu
ne connais pas ma mère, répondit Garin en se raidissant.
Rook
contempla pensivement le plafond.
— Cecilia
est plutôt grande, un peu maigre à mon goût, mais elle a de jolis cheveux
blonds.
Il
planta son regard dans celui de Garin.
— Des
cheveux somptueux, n’est-ce pas ? D’ordinaire, elle les dissimule sous un
bonnet. Mais quand elle les laisse tomber librement jusqu’au bas de son dos,
elle est d’une beauté stupéfiante.
Rook
plaça sa main sur son cœur, comme pour montrer sa sincérité.
— Je
l’ai vue il y a quelques jours. Mon maître aime connaître les gens qui le
servent.
Son
visage se durcit.
— Il
aime savoir ce qui est précieux à leurs yeux. Après que tu eus accepté de
collaborer avec nous, il m’a envoyé en visite dans ta maison, à Rochester.
— Tu
mens, fit Garin d’une voix sifflante.
— Comme
je viens de le dire, ta mère est d’une beauté stupéfiante. Mais quand j’ai
frappé à sa porte, il m’a semblé qu’elle manquait de charité envers un pauvre
mendiant demandant l’aumône. Elle m’a fait renvoyer par une de ses domestiques.
Il
s’approcha de Garin.
— Si
je devais me présenter une nouvelle fois chez elle, je pense qu’elle serait
obligée de me traiter avec plus d’amitié. A vrai dire, avec plus d’amitié
qu’aucune dame ne devrait jamais en avoir pour un étranger.
Il
saisit Garin par l’épaule en le regardant d’un air menaçant.
— Tu
vois bien que tu restes à notre service...
Livide,
Garin leva les yeux vers lui.
— Non
? demanda Rook.
Garin
acquiesça légèrement.
— Dis-le,
mon garçon.
— Oui,
finit par concéder Garin.
— C’est
mieux. Nous sommes d’accord là-dessus, maintenant. Dans le mois qui vient, je
te ferai parvenir un message au Nouveau Temple. Mon maître a quelques menus
services dont il aimerait te voir t’occuper. Et tu pourras lui parler de
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