Le livre du cercle
ce
livre que tu as évoqué tout à l’heure.
Rook
se dirigea vers la porte, arborant un sourire joyeux.
— Je
pense que ça l’intéressera beaucoup.
— Si
vous la touchez, je vous tue, murmura Garin tandis qu’il s’en allait.
Rook
ne lui accorda pas un regard.
Quand
la porte se referma sur lui, Garin jeta la bourse sur sa paillasse.
Les
portes noires à double battant s’ouvrirent et Will vit le chevalier John sortir
du logement du visiteur. Cela faisait plus d’une heure que Will se trouvait
dans le couloir. Juste après qu’on lui eut demandé d’attendre dehors, il avait
vu Everard quitter les lieux et revenir quelques minutes plus tard avec le
chevalier. Avant de partir en traversant le couloir, John lui lança un regard
désapprobateur. Le ventre noué, Will se tourna et découvrit Everard qui se
tenait dans l’encadrement de la porte. Le prêtre lui fit signe d’entrer. Will
s’avança dans la pièce. Everard ferma les portes derrière lui, puis se plaça à
côté de l’âtre pour réchauffer ses mains noueuses auprès des flammes.
— Assieds-toi,
lui ordonna le visiteur en désignant un des tabourets autour de la table.
Will
traversa la pièce, les bruits de ses pas étouffés par les tapis, puis il prit
place en gardant sagement les mains sur ses cuisses.
— Je
suis désolé d’avoir bu le vin du Sacrement, maître, commença-t-il.
Il
avait répété tout un discours pendant qu’il était dans le couloir.
—
J’avais manqué le souper et j’étais assoiffé. Mais vraiment, je suis désolé
et...
En
voyant que ses excuses ne semblaient pas émouvoir le moins du monde le
visiteur, la voix de Will s’était faite de plus en plus ténue, au point qu’il
avait laissé sa phrase inachevée.
— Je
suis content de voir que tu te repens, mais je crains que ce ne soit pas
suffisant. C’est une grave offense que tu as commise. Dans d’autres
circonstances, on t’amènerait devant le chapitre hebdomadaire, on t’enlèverait
ta tunique et tu serais exclu.
— D’autres
circonstances ? demanda Will, la voix étranglée.
Le
visiteur se cala sur son siège et caressa sa barbe.
— Apparemment,
tu as fait preuve de courage et d’initiative à Honfleur. D’après ce qu’on m’a
dit, tu es un bon combattant, un jeune homme de talent et plein d’avenir. Tu as
gagné le tournoi du Nouveau Temple, me semble-t-il?
Will
acquiesça.
— Je
ne voudrais pas que le Temple soit obligé de se priver de tes capacités,
continua le visiteur. Et Dieu semble veiller sur toi.
Il
jeta un bref coup d’œil à Everard, que Will remarqua.
— En
tenant compte de ces circonstances, reprit le visiteur, voilà la punition dont
nous avons décidé. Dans cinq ans, quand tu en auras l’âge, tu ne prononceras
pas les vœux des chevaliers, comme les autres sergents. Tu devras attendre un
an et un jour de plus pour être reçu chevalier et obtenir le manteau blanc.
Will
agrippa le rebord du tabouret. Six ans ? Six ans avant d’avoir le manteau ?
— En
plus de cela, tu seras fouetté. Puisque tu te comportes en chien, tu seras
traité comme tel. Je ne tolérerai pas qu’un sergent désirant devenir guerrier
du Christ se comporte en païen barbare. Frère Everard a accepté d’administrer
la correction.
Il
fit un signe de la tête à Everard.
— Vous
pouvez l’emmener, frère.
Avant
qu’Everard ne s’incline devant le visiteur, Will crut voir une expression
triomphale passer fugitivement sur le visage du prêtre. Puis, complètement
hébété, il suivit Everard à travers le couloir, d’où ils débouchèrent dans la
cour. Ils marchèrent en silence jusqu’à la chapelle, chaque pas augmentant la
crainte de Will. Il n’avait jamais été battu.
Après
avoir fermé les portes, Everard le dirigea vers l’autel.
— Dépêche-toi,
je n’ai pas toute la nuit.
Will
marchait lentement. Quand ils atteignirent l’abside, Everard lui désigna le
sol.
— À
genoux.
Will
s’exécuta, et ses yeux s’arrêtèrent sur la silhouette du Christ, clouée à son
crucifix.
— Maintenant,
dit Everard en fronçant les sourcils, où est-il ?
Il
fouilla sa mémoire quelques instants, puis se rendit dans la sacristie. Le
silence s’abattit sur Will et décupla son angoisse. Quand il revint, Everard
tenait quelque chose dans la main. En reconnaissant le fouet, les yeux de Will
s’agrandirent.
— Enlève
ta tunique et allonge-toi sur le ventre.
Will
se déshabilla et enleva aussi son
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