Le livre du magicien
encapuchonnées et masquées du cimetière. À quoi leur chef faisait-il allusion quand il parlait de l’horreur pendue dans les bois... ?
Ranulf secoua son maître pour le réveiller.
— Les Français sont arrivés ; il faut nous préparer.
Corbett s’éveilla avec peine. Son écuyer s’était déjà changé. Il portait une cotte-hardie bordée d’argent en drap vert de Lincoln sur une chemise de lin et des chausses brun foncé. Il s’était rasé, avait oint ses cheveux, glissé des bagues à ses doigts et bouclé, autour de sa taille, un étroit ceinturon de cuir d’où pendait le fourreau de sa dague.
— Lady Constance te trouvera parfait, plaisanta le magistrat.
Mais Ranulf, peu disposé à aborder ce sujet plus avant, se dirigeait déjà à grands pas vers la porte.
Des serviteurs, lourdement chargés de seaux d’eau bouillante destinée aux cuvettes du lavarium, entrèrent dans la pièce. Quand ils furent sortis, Corbett se dévêtit, se lava et se rasa, passa une tunique de lin propre, des braies et une chemise de batiste. Tout en fredonnant le cantique de l’offertoire du second dimanche de l’Avent, il sortit de son coffre de voyage une cotte-hardie arborant le rouge, le bleu et l’or de la maison royale. Il enfila des chausses noires et de souples bottes de cuir, puis glissa la chaîne d’argent filigranée indiquant son office autour de son cou et la chevalière de la chancellerie privée au majeur de sa main gauche. Ses compagnons arrivèrent alors qu’il se coiffait.
— J’ai fait de mon mieux, proclama Ranulf en désignant le palefrenier, resplendissant dans un justaucorps de laine neuf, les cheveux encore plus hirsutes qu’à l’accoutumée.
Les plaisanteries se poursuivaient encore quand Bolingbroke surgit et se mit à décrire l’arrivée des Français.
— J’ai visité le château, annonça-t-il en s’asseyant sur l’arche, au pied du lit. C’est une vraie garenne pourvue de plus de passages et de ruelles qu’aucun quartier de Londres.
Il jeta un coup d’oeil au magistrat.
— On parle de la promesse que vous avez faite...
— Je sais, je sais, reconnut ce dernier. Je n’aurais point dû.
La cloche du château, signal que les réjouissances allaient sous peu commencer, tinta et Corbett s’interrompit.
Dans le froid mordant, Sir Hugh conduisit son escorte à la salle des Anges. La longue pièce resplendissait à présent de lumière et de couleurs. On avait disposé de la verdure fraîche, des bûches s’entassaient dans la cheminée et de hautes flammes rugissaient dans l’âtre. Des braseros rougeoyaient et des navettes à encens prises dans l’église dispensaient leur fragrance épicée. Dans la galerie, des musiciens jouaient de la flûte et pinçaient les cordes d’une harpe. Sur l’estrade, la haute table était couverte de damas blanc et pichets, gobelets et flacons brillaient de tous leurs feux.
Craon et sa suite se tenaient devant le foyer et sirotaient des coupes de vin chaud. Corbett, un sourire de commande aux lèvres, mais tenant à respecter l’étiquette et le protocole, se dirigea vers eux avec assurance. Il donna l’accolade au Français rouquin à la mine sombre qui, il le savait bien, rêvait de l’occire, échangea l’oscuum pacis, le baiser de paix, avec la bouche qui l’avait maudit et serra les mains impatientes d’être souillées de son sang. Craon, lui aussi, observa les usages. Il recula, bras tendus, et accueillit Corbett en anglo-normand en lui offrant ses voeux de la plus gracieuse des façons. Le rival du magistrat portait aussi une livrée, celle d’une autre maison royale : une cotte-hardie bleu et blanc blasonnée de fleurs de lis d’argent. Ils échangèrent quelques compliments et levèrent leur coupe en l’honneur de leurs maîtres respectifs. Craon arborait un petit sourire satisfait sans chercher à dissimuler la rancoeur qui brillait dans ses yeux. On fit de nouvelles présentations. Ranulf adressa le plus élémentaire des signes de tête à Bogo de Baiocis, l’écuyer de Craon. Corbett présenta Bolingbroke d’un air glacial. Craon saisit la main de ce dernier et la serra avec force.
— Vous avez étudié à Paris, Messire ?
— En effet, Monseigneur, répondit Bolingbroke en anglais – de propos délibéré. Mais certains événements m’ont obligé à interrompre mes études.
Le sourire de Craon s’évanouit et il lâcha la main de son interlocuteur.
— Si vous revenez un
Weitere Kostenlose Bücher