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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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comme s’il avait pu saisir l’essence même de l’hymne. Ranulf admit en silence que ce choeur, et surtout les archers, avait de belles voix qui portaient. Au manoir de Leighton, Sir Hugh avait formé son propre choeur avec des serviteurs et des métayers et, quand le cantique fut achevé, Corbett se lança dans une discussion passionnée avec les deux prêtres sur ce qu’ils appelaient « l’arrangement des voix ». Sir Edmund et ses officiers entrèrent en passant et restèrent médusés en voyant le sombre garde du Sceau privé arguer avec véhémence pour déterminer la place de chacun ou pour décider s’il valait mieux chanter en canon ou ensemble. Le coeur de Ranulf s’emballa quand Lady Constance, suivie de ses dames d’honneur, pénétra aussi dans la chapelle à présent encombrée et resplendissante de lumière, le père Matthew ayant allumé des cierges et des lumignons supplémentaires.
    Les prêtres finirent par se laisser convaincre et les chanteurs, sous la direction du magistrat, se regroupèrent pour psalmodier l’introït, l’antienne d’introduction à la messe du jour de Noël : «  Dominus dixit ad me, hodie genui te  », « Le Seigneur m’a dit : Aujourd’hui je t’ai engendré ». Il fallut d’abord en apprendre les paroles aux participants. Corbett traduisit le latin – exercice de longue haleine, mais, comme à Leighton, la cadence musicale les aida à les mémoriser. Après bien de l’agitation, ils se placèrent en trois rangées pour représenter les tons variés. Ranulf, plutôt mal à l’aise sous le regard perçant de Lady Constance, se trouvait au centre. Quand on en eut fini, tout le monde se déclara fort satisfait et on entonna des airs plus populaires, dont l’un des célèbres chants de l’Avent commençant par la lettre O. En jetant un prompt coup d’oeil par-dessus son épaule, Ranulf aperçut son maître qui, les yeux clos, chantait avec ferveur. À la fin Sir Edmund et l’assemblée applaudirent avec enthousiasme. Corbett se retrouva emporté dans un autre ardent débat et Ranulf s’approcha en catimini de Lady Constance. Mais elle, comme si elle avait tout à fait perçu ses intentions, alla tout droit vers lui et s’arrêta, comme l’aurait fait Lady Maeve, la tête un peu inclinée, l’air sérieux, ses beaux yeux brillant d’un lire moqueur.
    — Qu’essayez-vous de faire, Maître Ranulf ? murmura-t-elle. Voulez-vous jouer au jeu du berceau avec moi ? Si vous avez quelque chose à dire, alors dites-le ! Ou désirez-vous autre chose ? M’entraîner à l’écart pour me chuchoter les doux mots des trouvères ?
    Son regard se fit plus intense.
    — Ou viendrez-vous sous ma fenêtre ce soir avec rebec et flûte pour louer le doux satin de ma peau et mes yeux qui... hum...
    Elle fit un geste de la main. Ranulf s’empourpra et remercia Dieu en silence que Chanson ne fût pas là.
    — Madame, bafouilla-t-il en apercevant son maître qui se dirigeait vers la porte. Madame, certaines tâches m’attendent.
    Et, les joues brûlantes, il se précipita derrière Corbett.
    — Ranulf !
    Il pivota sur ses talons.
    — Je voudrais que vous l’ayez fait, lui apprit Lady Constance à voix basse, je voudrais que vous le fassiez.
    Ranulf ne put en supporter davantage, mais s’enfuit dans la nuit glacée en murmurant par-devers lui le Deo gratias.
    L’esprit du magistrat était encore tout absorbé par les chants.
    — Tu comprends, Ranulf, quand le groupe du milieu, là où la voix n’est pas aussi basse que dans la rangée de derrière ou celle de devant, est plus fourni...
    Il poursuivit sa démonstration tout en traversant la cour enneigée. Des torches crépitaient dans les rafales et faisaient voler des étincelles, petits éclats de lumière qui grésillaient sur les pavés gelés. Le baile était bruyant : on poussait chariots et brouettes, on rentrait les chevaux aux écuries et le petit peuple du château s’abritait et se préparait en hâte à affronter les ténèbres glacées qui approchaient. Ranulf prit un rapide congé et son maître, songeant encore à la musique du choeur, regagna sa chambre. Il ferma l’huis, se versa un gobelet de vin et s’installa devant l’âtre. Il se rendit compte que Craon serait bientôt là. Il pensa au choeur de Leighton : peut-être devrait-on le diviser en deux et le placer dans des stalles ? Ses pensées revinrent à l’église ensevelie sous la neige et aux silhouettes

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