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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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dénudés, formaient un contraste frappant avec la blancheur silencieuse qui les environnait. Corbett se réjouissait d’avoir épaisse chape et chauds gantelets. Il faisait avancer avec précaution son cheval sur le sentier pendant qu’au-dessus de leur tête deux corbeaux, dérangés dans leur arbre, croassaient bruyamment. Le magistrat, à l’aspect du chemin, conclut qu’il avait été peu fréquenté. Il distinguait, de-ci de-là, des empreintes d’oiseaux ou d’animaux. Une giclée de sang et quelques pauvres plumes marquaient l’endroit où une bête s’était rassasiée de chair chaude dans cette étendue glacée.
    Affalé sur sa selle, le magistrat pensait aux diverses difficultés qui se dressaient devant lui. Il était si absorbé dans ses pensées, qu’il tressaillit, surpris, quand son écuyer lui cria qu’ils approchaient de La Taverne de la Forêt. Ils entrèrent par la porte principale, à une portée de flèche du chemin. L’auberge était un bâtiment à colombage d’un étage érigé sur une base de pierres rouges. Elle s’enorgueillissait d’un toit de tuile et d’une petite cheminée pour laisser échapper la fumée. Mis à part deux valets d’écurie, la cour était déserte. L’un cassait la glace dans l’abreuvoir et l’autre entassait du fumier dans un coin. L’odeur forte des chevaux se mêlait nettement au parfum agréable montant du fournil et de la cuisine proches.
    Corbett pénétra dans la grand-salle en rejetant sa chape en arrière. Ranulf lui emboîta le pas tout en repérant l’emplacement des portes et des fenêtres au cas où ils devraient sortir plus vite qu’ils ne le désiraient. La pièce, avec ses murs propres et chaulés, était confortable. Aux poutres noires du plafond étaient suspendus de petits sacs de légumes et des quartiers de viande fumée qui séchaient à la chaleur, hors de portée des rats et des souris. On avait allumé un brasero à chaque angle et un plus grand au milieu. Au bout de la table commune un feu brûlait dans la cheminée percée dans le mur extérieur. Au fond, près de la cuisine, se trouvait une rangée de cuves et de barriques et le magistrat entendait s’entrechoquer pots et marmites, parmi les cris des souillons et serviteurs s’interpellant. Quelques villageois étaient assis autour de la table. Ils levèrent les yeux à l’entrée du magistrat et se rapprochèrent pour échanger leurs impressions sur les nouveaux venus. Au fond, cinq hommes, aux habits presque entièrement dissimulés sous leurs chapes et leurs capuchons, se serraient autour d’un brasero. Eux aussi se retournèrent. Corbett aperçut des visages à la peau mate, des barbes et des moustaches noires.
    Les trois arrivants s’installèrent tout près du seuil. L’un des villageois se retourna et, un sourire édenté aux lèvres, leva la main, paume exposée. C’était le geste de bienvenue en usage, auquel le magistrat répondit. Un serviteur, chargé d’un plateau de gobelets de cuir pleins de bière, accourut et, sans qu’on l’en priât, les déposa sur la table.
    — Maître Reginald est-il là ? interrogea Corbett.
    — Me voici.
    Le tavernier – un petit homme râblé, mais leste et le pied léger, les cheveux bruns, le visage revêche – sortit de l’ombre entre les cuves et les barriques où il s’affairait. Contrairement aux autres aubergistes, il ne consentit nulle vigoureuse poignée de main, aucun geste pour s’essuyer les doigts à son tablier, ni sourire obséquieux ou courbette.
    — Vous n’êtes pas de la région, n’est-ce pas ? Pourquoi faut-il que des étrangers voyagent par un temps pareil ?
    Maître Reginald aperçut la chaîne d’argent ; il eut alors un sourire, un salut des plus prompts et, claquant des doigts pour rappeler le serviteur, désigna les gobelets.
    — Des chopes convenables, ordonna-t-il, et la meilleure bière du tonneau.
    Il s’interrompit quand une vieille femme, appuyée sur une canne, sortit d’un pas mal assuré de la cuisine et alla s’asseoir sur une chaire en face de lui. Les cheveux attachés en chignon sur le haut du crâne, elle avait un cou décharné et l’air d’un poulet courroucé. Elle frappa le sol de sa canne en jetant des regards furieux au magistrat et à ses compagnons.
    — Ma mère, présenta Maître Reginald avec un sourire sincère. Voulez-vous manger quelque chose, Messires ? J’ai un délicieux ragoût de venaison, la viande en est fraîche et salée.

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