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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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s’abritant dans la ruine pendant que l’arbalétrier visait avec soin. Il flatta l’encolure de son cheval.
    — Bon, nous verrons bien qui vous êtes ! dit-il à voix basse.
    Il pénétra sous le couvert et laissa sa monture avancer avec prudence sur le sentier enneigé. De temps à autre il croisait quelques voyageurs solitaires. Un colporteur, capuchon relevé, face protégée, portant haut sa balle sur les épaules, cheminait vers Corfe. Il leva à peine les yeux quand Ranulf passa. L’écuyer parvint à l’église, silencieuse sous sa couverture de neige. Les croix et les pierres tombales noircies du cimetière se dressaient, sombre rappel de la brièveté de la vie. Il talonna son cheval. Il ne voulait pas le fatiguer, mais désirait pourtant sortir de la forêt avant que la lumière commence à décliner ou qu’il y ait une nouvelle chute de neige. Il craignait de s’égarer.
    Arrivé à La Taverne de la Forêt, il laissa sa monture dans la cour pavée. La grand-salle était ouverte et il fut heureux de retrouver le gamin à qui Corbett avait donné une piécette la veille. Le valet installa le nouveau venu au coin de l’âtre. Le feu était presque mort et, comme le fit remarquer le garçon, l’auberge était aussi glacée que la neige dehors. Il apporta un pichet de bière et du pain rassis que Ranulf entreprit de mastiquer tout en avalant des gorgées de bière pour le ramollir dans sa bouche.
    — Aimerais-tu gagner une pièce d’argent ? dit-il à voix basse au serviteur tapi comme un chien devant lui.
    Le gamin écarquilla les yeux.
    — Trois pièces d’argent.
    — Trois pièces d’argent ! s’exclama le valet en s’écartant furtivement. Seriez-vous de ces hommes étranges qui préfèrent les fesses d’un garçon aux seins d’une bachelette ?
    Ranulf se mit à rire.
    — Que nenni ! Je voudrais que tu m’accompagnes. Tu monteras en selle devant moi. J’aimerais que tu me conduises dans la forêt à un endroit où je pourrais rencontrer Horehound.
    — Je ne le connais point.
    — Oh, que si ! rétorqua Ranulf. Je sais comment vivent les hors-la-loi. Ils se rendent toujours à la taverne la plus proche pour vendre ou acheter, pour obtenir des renseignements. Je parierais une pièce d’argent que tu t’es déjà assis avec Horehound sous les arbres, n’est-ce pas, petit ?
    — Trouvez-le vous-même !
    — Trois pièces d’argent, répéta le clerc qui posa sa chope et sortit son escarcelle. Une tout de suite, une quand nous le verrons et une en revenant.
    Les yeux du valet s’arrondirent de stupeur.
    — As-tu des parents ? s’enquit Ranulf.
    — Ils sont morts il y a cinq hivers, répondit le garçon sans quitter les pièces des yeux. Je travaille céans, pour Maître Reginald.
    Il désigna une table au bout de la salle.
    — Je dors là-dessous la nuit et je mange les rogatons qu’on me donne.
    — Trois pièces d’argent, répéta derechef Ranulf, et je te trouverai un emploi au château. Tu n’auras pas besoin de revenir ici. Qu’en dis-tu, mon garçon ? Clerc de la cuisine et habits propres.
    Il montra les lambeaux de cuir qui enveloppaient les pieds de son interlocuteur.
    — Et une bonne paire de bottes.
    Le gamin bondit. En un clin d’oeil, il s’empara de la pièce, traversa la grand-salle à toutes jambes et revint avec une chape élimée et un pitoyable petit ballot.
    — Parfait, dit Ranulf en se levant.
    — J’ai encore une tâche à accomplir. Maître Reginald me recommande sans cesse de ne jamais éteindre le feu le matin...
    Le gamin souleva sa tunique usée et, abaissant ses chausses, urina dans l’âtre, puis, dansant comme un diablotin jailli de l’Enfer, il suivit Ranulf jusqu’à sa monture.
    Le clerc de la Cire verte l’aida à monter en selle et s’installa derrière lui. Le garçon empestait, ses cheveux étaient poisseux de graisse et, sous ses vêtements, Ranulf pouvait sentir son corps efflanqué et ses bras osseux. Il se retrouva, quelques instants, des années en arrière quand, vêtu de haillons, il se battait dans les ruelles et les venelles près de Whitefriars. Il était bien aise d’avoir emmené le valet ; il craignait moins la forêt et encore moins de s’égarer. Le gamin jacassait comme une pie, dévoilant tous les secrets de la taverne, expliquant que Maître Reginald était un tyran, mais, servile, il flattait les étrangers qui allaient et venaient à leur gré et mangeaient comme des seigneurs.

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