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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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place à Simon l’apothicaire qui, à présent, les examinait avec soin. Chanson et Bolingbroke s’étaient eux aussi retirés, chassés par la puanteur de la chair en décomposition. Le père Andrew avait laissé l’encensoir ouvert et le magistrat versa de l’encens sur les braises ardentes en respirant avec soulagement les bouffées de parfum. Lady Constance, qui s’était montrée moins délicate que les autres, avait aussi fait de son mieux en aspergeant les lieux d’eau de rose et en fournissant à Corbett et à Ranulf des pommes d’ambre.
    L’arrivée de Ranulf avec les cadavres, si peu de temps après le service funèbre des autres victimes, avait provoqué désordre et consternation, choc et pleurs. On identifia sans tarder les restes. Maîtresse Feyner avait baissé les yeux sur le traîneau et s’était abîmée dans sa douleur. Son visage tordu par le désespoir muet de sa perte et son silence à serrer le coeur la rendaient plus pitoyable encore. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais ne put trouver ses mots et se contenta de se cacher les yeux derrière ses mains pendant que ses amis l’entraînaient à l’écart. Les parents d’Alusia étaient restés un moment assis, le regard fixé sur la dépouille, puis sa mère s’était mise à hurler et devint si agitée que Lady Constance et sa servante, la tenant par les bras, durent l’emmener dans la salle des Anges.
    Le courroux que Corbett avait ressenti devant la disparition de son écuyer se dissipa bientôt quand il comprit ce que Ranulf avait fait et comment il avait affronté sa peur. Ce dernier, véritable image de la Mort, avait franchi le pont-levis à cheval, faisant résonner le bois du martèlement des sabots. La garnison avait déjà été alertée par les sentinelles de la poterne, signalant des hommes qui sortaient de la forêt. Ranulf avait tenté de persuader Horehound et sa bande de déposer les corps dans la cour du château, mais le pendard avait hoché la tête en signe de dénégation.
    — Seulement jusqu’ici, avait-il déclaré. Quand nous aurons obtenu le pardon, j’irai au château recevoir la paix du roi.
    Et toute la troupe disparut.
    Sir Edmund avait envoyé une charrette pour récupérer les corps et les avait fait étendre sur un traîneau au seuil du portail de la cour intérieure. Craon et sa suite demandèrent à se retirer en chuchotant des condoléances. La foule autour du traîneau était devenue menaçante, sans mâcher ses mots pour rappeler à Corbett son serment de livrer le tueur à la justice.
    — Eh bien, Messire ? s’enquit le magistrat en sortant de sa rêverie.
    — Messire, répondit l’apothicaire d’un ton sec, les deux filles sont mortes. On peut dire que Phillipa...
    Il la montra du doigt.
    — ... devait être accorte et potelée de son vivant.
    Il lui avait recouvert la figure d’une grossière toile de lin. Il avait pressé le ventre de la bachelette et examiné en détail la blessure violacée de sa gorge avant de passer à un examen soigneux des mains. Il se releva et, plongeant son nez et sa bouche dans un linge parfumé, prit une profonde inspiration.
    — Je me suis occupé des morts sur les champs de bataille du pays de Galles et d’Écosse ; j’ai vu plus de cadavres...
    Ses yeux larmoyants cillèrent.
    — ... que certains ont vu de jours d’été, mais on ne s’habitue jamais à l’horreur. Phillipa s’est suicidée ; elle est montée sur le chêne et s’est servie du tissu de sa robe. C’est du chanvre, épais et grossier, solide comme une corde. Il n’y a pas d’autres blessures sur le corps, ni coup, ni contusion. Quand elle était en vie, sa chair devait être blanche comme du marbre, mais aussi douce et chaude. Une tendre jouvencelle.
    Il s’approcha.
    — Je n’annoncerai pas ça à haute voix, ajouta-t-il. On devrait lui faire un enterrement décent. Le père Matthew s’en occupera. Elle ne sera point traitée comme les suicidés qu’on ensevelit à un carrefour sous un gibet, un pieu planté dans le coeur.
    — Y a-t-il autre chose ?
    — Je ne suis qu’un apothicaire, Sir Hugh. Je ne suis point médecin.
    — Quoique vous soyez, vous êtes fort intelligent.
    — Phillipa était grosse, sans doute de peu de temps. Le bas de son ventre est gonflé. Je pense que ses menstrues avaient cessé depuis au moins deux mois ; peut-être est-ce la raison de son suicide : elle était rongée de honte, ou du moins de ce qu’elle pensait être

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