Le loup des plaines
marmite. Il l’approcha des bords de la tente
du khan, regarda les flammes commencer à lécher le feutre sec. Il ne ferait pas
honte aux féaux en les contraignant à voir le cadavre de leur ancien maître.
— Laissez-nous, maintenant ! cria-t-il à la foule.
Il y a du travail à faire. Nous partirons à l’aube, soyez prêts.
Il les regarda jusqu’à ce qu’ils commencent à bouger, se
scindant en petits groupes pour commenter ce qui s’était passé. Ils se
retournèrent plusieurs fois vers les hommes qui se tenaient autour de la yourte
en feu, mais Temüdjin attendit qu’il ne reste plus que les féaux.
Les hommes que Sansar avait choisis pour sa garde
personnelle étaient moins nombreux que Temüdjin ne l’avait pensé. Les Olkhunuts
n’avaient pas fait la guerre depuis une génération et même les Loups
entouraient leur khan de plus d’hommes armés. Ils étaient cependant plus
nombreux que les guerriers accompagnant Kachium et la tension monta entre les
deux groupes quand ils se retrouvèrent face à face.
— Je n’importunerai pas les épouses et les jeunes
enfants de Sansar, dit Temüdjin. Laissons-les pleurer sa mort dans la dignité. Il
ne leur sera fait aucun mal, ils ne seront pas abandonnés comme je l’ai été.
Plusieurs féaux approuvèrent de la tête. Tous connaissaient
l’histoire de la femme et des fils de Yesugei. Elle avait fait le tour des
tribus et s’était ajoutée au millier d’autres contes et mythes des chamanes.
— Vous êtes les bienvenus près de mon feu, continua-t-il.
Il leur parlait comme s’ils n’avaient aucune possibilité de refuser
et ce fut peut-être pour cette raison qu’ils ne protestèrent pas. Il n’en
savait rien et il s’en moquait. Une immense fatigue s’était emparée de lui. Il
avait faim, il avait soif.
— Qu’on nous apporte à manger pendant que nous
discuterons de la guerre à venir, ordonna-t-il. J’ai besoin d’hommes à l’esprit
vif pour en faire mes officiers et je ne sais pas encore qui d’entre vous
commandera et qui suivra.
Il attendit que Kachium et Khasar aient ajouté des bûches au
feu puis il s’assit enfin sur le sol. Ses frères et Arslan l’imitèrent, les
Olkhunuts firent de même jusqu’à ce que tous se retrouvent autour des flammes, observant
avec méfiance la nouvelle force qui allait changer leur vie.
31
Excepté pour la guerre, les Olkhunuts ne s’étaient jamais
rendus chez les Kereyits et, de chaque côté, les guerriers montraient de la
nervosité. Les deux tribus s’étaient mises en mouvement puisque Toghril
cherchait à maintenir une certaine distance entre son peuple et les
envahisseurs tatars.
Temüdjin avait envoyé Kachium prévenir Toghril, mais les
Kereyits s’étaient malgré tout armés et postés en formation défensive autour du
centre de leur camp. Les cors percèrent plusieurs fois l’air de leurs notes
plaintives. Temüdjin fit approcher les Olkhunuts jusqu’à ce que les deux
groupes puissent se voir puis il leur donna l’ordre de faire halte et s’avança
avec Khasar, Arslan et dix des féaux de Sansar. Il laissa ses propres hommes
près des chariots pour parer à toute attaque surprise. Il n’avait pas besoin de
leur recommander d’être vigilants, la tension était presque palpable. Même
après la retraite des Kereyits vers le sud, les Tatars devaient être à moins de
deux semaines de cheval et Temüdjin n’était pas encore prêt à les affronter.
Il descendit de selle, laissa sa monture baisser la tête
pour brouter l’herbe verte. Il aperçut Toghril au loin et se demandait distraitement
comment ferait l’énorme khan pour trouver un cheval capable de le porter lorsqu’il
le vit monter sur un chariot tiré par deux hongres noirs. Wen Chao le rejoignit
et les féaux des Kereyits, armés d’arcs et de sabres, formèrent un carré autour
de leur seigneur.
Lorsqu’ils furent à portée de voix, Temüdjin leva les mains
pour montrer qu’il n’avait pas d’armes. Geste inutile puisqu’il était entouré d’hommes
armés, mais tout était bon pour tenter de rassurer Toghril. Il avait besoin de
l’aide de l’obèse.
— Tu es le bienvenu dans mon camp, Toghril des Kereyits !
cria-t-il. Je t’accorde les droits de l’hospitalité.
Toghril descendit du chariot avec précaution, le visage
tendu. Parvenu près de Temüdjin, il parcourut des yeux les rangs de guerriers
et la masse des Olkhunuts alignés derrière. Ils étaient presque aussi
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