Le loup des plaines
nouveaux venus. La foule
garda le silence tandis que Kachium et ses guerriers mettaient pied à terre.
Temüdjin serra brièvement son frère dans ses bras, submergé
par une émotion qui menaçait de lui faire perdre ce qu’il avait gagné.
— Je recevrai les féaux en privé pour qu’ils me prêtent
serment, annonça Temüdjin. Au coucher du soleil, ce sera votre tour. N’ayez pas
peur. Demain, nous irons dans le Nord rejoindre les Kereyits, nos alliés.
Il regarda autour de lui, constata que les arcs avaient
enfin été abaissés.
— Les Olkhunuts sont craints au combat, poursuivit-il. Nous
montrerons aux Tatars qu’ils ne peuvent pas pénétrer impunément sur nos terres.
Un homme lourdement bâti se fraya un chemin dans la foule, gifla
rudement un jeune garçon qui s’écartait trop lentement, l’expédiant au sol.
Le sentiment de triomphe de Temüdjin s’évanouit. Il savait
que Sansar avait des fils et l’homme qui s’approchait ressemblait beaucoup au
vieux khan, en plus solide.
— Où est mon père ? demanda l’Olkhunut en s’avançant.
Les féaux se tournèrent vers lui et plusieurs d’entre eux inclinèrent
la tête. Temüdjin serra les mâchoires, prêt à une attaque. Autour de lui ses
frères se raidirent et chacun se retrouva soudain avec un sabre ou une hache à
la main.
— Ton père est mort. J’ai pris possession de la tribu, déclara
Temüdjin.
— Qui es-tu pour me parler sur ce ton ?
Avant que Temüdjin puisse répondre, l’homme ordonna aux
féaux :
— Tuez-les tous.
Personne ne bougea et Temüdjin reprit espoir.
— Il est trop tard, dit-il avec calme. Ces hommes m’appartiennent
par le sang et la conquête. Il n’y a plus de place pour toi ici.
Sidéré, le fils de Sansar regarda tour à tour ces hommes qu’il
connaissait depuis toujours. Ils détournèrent les yeux.
— Alors, je réclame le droit de t’affronter devant
toute la tribu. Si tu veux la place de mon père, tu devras me tuer.
L’homme avait du courage et Temüdjin éprouva pour lui une
certaine admiration.
— J’accepte, dit-il, bien que je ne connaisse pas ton
nom.
Le fils de Sansar roula des épaules pour détendre ses muscles.
— Je m’appelle Paliakh, khan des Olkhunuts.
Sans perdre de temps à contester cette déclaration, Temüdjin
s’approcha d’Arslan, lui prit son sabre.
— Expédie-le vite, lui glissa le forgeron. S’ils
commencent à l’acclamer, nous sommes tous morts.
Temüdjin le regarda sans répondre, se retourna vers Paliakh
et lui lança le superbe sabre. Il remarqua l’habileté avec laquelle l’homme l’attrapa.
Temüdjin songea que la vie de tous les siens dépendait maintenant de son adresse
et des interminables séances d’exercice avec Arslan et Yuan qu’il s’était
imposées.
Paliakh fendit l’air de son arme, découvrit ses dents quand Temüdjin
lui fit face.
— Avec cette armure ? Aurais-tu peur de m’affronter
sans elle ? Autant m’abattre de loin avec un arc !
Temüdjin aurait ignoré la remarque si les féaux ne l’avaient
approuvée par un murmure. Il écarta les bras, attendit qu’Arslan et Kachium
détachent les plaques. Il se retrouva vêtu simplement d’une mince tunique de
soie. Sous les yeux de tous les Olkhunuts, il leva son sabre et lança à son
adversaire :
— Viens donc.
Avec un rugissement, Paliakh se rua sur lui, cherchant, dans
sa fureur, à le décapiter d’un coup. Temüdjin fit un pas sur la gauche, frappa
l’homme à la poitrine, ouvrant une plaie que Paliakh ne parut pas sentir. Il
abattit de nouveau son sabre et Temüdjin dut parer de son arme. Les deux hommes
demeurèrent un moment l’un contre l’autre puis Paliakh tenta de repousser Temüdjin
de sa main libre. Aussitôt, le jeune khan lui transperça le cou.
Le fils de Sansar tenta de cracher le sang qui inondait sa
gorge. Il lâcha le sabre d’Arslan, porta les deux mains à son cou et le pressa.
Sous le regard de Temüdjin, il se retourna comme pour s’éloigner puis tomba en
avant et ne bougea plus. Un nouveau murmure parcourut les Olkhunuts. Temüdjin
les regarda froidement en se demandant s’ils allaient le tailler en pièces. Au
milieu d’eux, Koke semblait horrifié. Son regard croisa celui de Temüdjin et il
se retourna, disparut dans la foule.
Les Olkhunuts regardaient fixement leur nouveau khan, tels
des moutons. Perdant patience, il les écarta pour aller prendre un brandon dans
un feu de cuisson allumé sous une
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