Le loup des plaines
nombreux
que les siens et il se mordilla la lèvre inférieure avant de répondre :
— J’accepte.
Quelque chose dans le regard de Temüdjin lui fit ajouter :
— Es-tu devenu le khan des Olkhunuts ? Je ne
comprends pas.
Temüdjin choisit ses mots avec soin :
— J’ai pris leur commandement par les droits que me
donnent ma mère et mon épouse. Sansar est mort, ils sont venus avec moi pour
combattre les Tatars.
Connaissant l’homme, il avait donné l’ordre d’allumer des
feux de cuisson dès que les Olkhunuts avaient fait halte dans la plaine verte. Tandis
qu’il parlait, on avait étendu sur le sol de grandes toiles blanches en feutre
et apporté d’énormes plats de mouton et de chèvre. En sa qualité d’hôte, Temüdjin
aurait dû s’installer le dernier mais il tenait à rassurer totalement Toghril. Il
s’assit sur le feutre, replia ses jambes sous lui. Le khan des Kereyits n’eut d’autre
choix que prendre place en face de lui et inviter d’un geste Wen Chao à faire
de même. Temüdjin commença à se détendre et ne regarda pas autour de lui tandis
que Khasar et Arslan s’installaient à leur tour, suivis des autres. Devant
chaque guerrier de Temüdjin s’assit un homme des Kereyits, jusqu’à ce que les
deux camps soient égaux en nombre. Derrière Temüdjin, le peuple des Olkhunuts
observait son nouveau khan en silence.
Yuan aussi était là et il garda la tête baissée en s’asseyant
pour ne pas croiser le regard de Temüdjin. Wen Chao fronça les sourcils devant
l’attitude du chef de ses gardes.
— Puisque personne ne pose la question, commença
Toghril, j’aimerais savoir comment tu as fait pour partir avec une douzaine d’hommes
et revenir avec l’une des grandes tribus sous tes ordres.
Avant de répondre, Temüdjin montra la nourriture et Toghril
se mit à manger, ses mains et ses mâchoires s’activant indépendamment de ses
yeux noirs.
— Le père ciel veille sur moi, répondit Temüdjin. Il
récompense ceux d’entre nous qui font face aux menaces pesant sur nos terres.
Il jugea préférable de ne pas parler de la façon dont il
avait tué Sansar à un homme dont il voulait se faire un allié. Toghril ne
prendrait que trop facilement peur de son chef de guerre.
Le khan des Kereyits, visiblement insatisfait de la réponse,
ouvrit la bouche pour prendre de nouveau la parole, révélant une bouillie de
viande et de sauce. Avant qu’il pût dire un mot, Temüdjin poursuivit :
— J’ai un droit sur eux par le sang et ils ne m’ont pas
rejeté. Ce qui compte, c’est que nous avons maintenant assez d’hommes pour
briser les Tatars.
— Combien sont avec toi ? demanda Toghril sans
cesser de mâcher.
— Trois cents cavaliers, bien armés. Tu peux en aligner
autant.
— Les Tatars sont plus de mille, as-tu dit, rappela Wen
Chao.
Temüdjin posa ses yeux jaunes sur l’ambassadeur jin en se
demandant ce qu’il savait, ce que Yuan lui avait rapporté.
— Ce ne sera pas facile, répondit-il à Toghril comme si
Wen Chao n’avait rien dit. Nous aurons besoin de nombreuses armures jin. Les
Olkhunuts ont deux hommes qui disposent des forges et de l’habileté nécessaires
pour fabriquer sabres et plaques. Je leur ai donné mes ordres. Il faudra aussi
protéger le cou et le poitrail de nos chevaux.
Il s’interrompit, regarda Toghril s’efforcer de mâcher un
morceau de viande nerveuse.
— J’ai démontré l’avantage de notre tactique sur des
groupes plus petits mais qui nous dépassaient quand même en nombre, reprit-il. Les
Tatars ne chargent pas comme nous sur une ligne, ils ne prennent pas la
formation en croissant pour attaquer les flancs de l’ennemi. Je ne crains pas
leur nombre.
— Tu veux me pousser à risquer tout ce que j’ai, dit
Toghril en secouant la tête.
— Il faut anéantir cette armée tatare, seigneur khan, intervint
de nouveau Wen Chao. Mes maîtres se souviendront de ton aide. Ils ont déjà
réservé des terres pour ton peuple quand la bataille sera finie. Là-bas, tu
seras roi, tu ne connaîtras plus ni la faim ni la guerre.
Devant cette nouvelle preuve de l’emprise que Wen Chao avait
sur le Kereyit, Temüdjin sentit croître son aversion pour l’émissaire des Jin. Wen
Chao et lui poursuivaient peut-être le même objectif, mais le jeune khan n’aimait
pas voir un homme de son peuple sous la coupe d’un étranger.
Pour dissimuler son irritation, Temüdjin se mit à manger et
savoura les herbes des
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