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Le loup des plaines

Le loup des plaines

Titel: Le loup des plaines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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mais Yesugei répondit qu’il ferait mieux de les attacher au bout d’un
bâton pour se gratter le dos.
    Khasar gloussa, suspendu comme ses frères aux lèvres de
Chatagai. C’était l’histoire de leur tribu, les histoires d’hommes et de femmes
qui avaient fait d’eux ce qu’ils étaient.
    Le ton de Chatagai changea de manière subtile quand, après
avoir levé l’outre une fois de plus, il reprit :
    — Yesugei a laissé des fils pour marcher dans ses
traces et il aurait voulu que Bekter ou Temüdjin mène les Loups. J’ai entendu
ce qu’on murmure dans les familles. J’ai entendu les discussions et les
promesses mais le sang des khans coule en eux et si les Loups ont de l’honneur,
ils ne doivent pas faire honte à leur khan dans la mort. Il nous regarde en ce
moment même.
    Le silence se fit dans le camp et Temüdjin entendit quelques
murmures d’approbation. Il sentit des centaines d’yeux sur lui, commença à se
lever mais les cors des guetteurs sonnèrent soudain sur les collines, arrachant
les guerriers à leur ivresse. Eeluk s’avança dans le cercle de lumière du feu, lança
à Chatagai un regard mauvais. À présent que le charme était rompu, le vieil
homme semblait frêle et fatigué. Une brise agitait ses cheveux blancs tandis qu’il
faisait face à Eeluk sans montrer le moindre signe de frayeur. Eeluk hocha la
tête comme s’il venait de prendre une décision. On lui apporta son cheval, il
monta en selle d’un mouvement preste et s’élança dans l’obscurité sans un
regard en arrière.
    Les cors se turent peu après quand les guetteurs reconnurent
la troupe lancée dans la plaine. Bekter entra dans le camp à la tête d’une
douzaine de guerriers, s’approcha du feu et mit pied à terre. À la lumière des
flammes, Temüdjin vit des têtes coupées attachées par les cheveux à la selle de
son frère. Il frissonna en découvrant les bouches béantes qui semblaient crier
encore. Bien que la chair fût déjà noire et couverte de mouches, il sut qu’il
avait devant lui les visages de ceux qui avaient assassiné son père.
    Seule sa mère avait entendu elle aussi Yesugei murmurer le
nom de ses meurtriers dans la tente, et ni elle ni Temüdjin n’avaient partagé
cette information avec quelqu’un d’autre. Le nom des Tatars était à nouveau
prononcé avec le retour des guerriers aux deels éclaboussés de sang. Les
familles, fascinées, se pressaient pour toucher la face déjà putréfiée des
morts.
    Bekter s’avança dans la lumière, comme si la succession
était déjà réglée. En d’autres circonstances, Temüdjin en aurait éprouvé de l’amertume
mais, après ses craintes, la scène suscita en lui une joie sauvage. Que son
frère prenne la tribu !
    Des cris s’élevèrent quand les guerriers décrivirent ce qu’ils
avaient trouvé. Cinq corps gisant à l’endroit où les Tatars avaient tendu une
embuscade au khan des Loups. Les regards posés sur les fils de Yesugei
brillaient d’admiration et de respect. Le silence se fit, Eeluk approcha et
descendit de cheval devant les frères. Avec détermination, Temüdjin vint se camper
près de Bekter ; Khasar et Kachium l’imitèrent. Tous firent face au féal
et attendirent qu’il parle. Ce fut peut-être une erreur car Eeluk était un
colosse et, à côté de lui, ils avaient l’air des jeunes garçons qu’ils étaient.
    — Ton père est passé, Bekter, dit-il. Sa mort a été
douloureuse, mais c’est fini.
    Les yeux mi-clos, Bekter scrutait le visage du féal de son
père, conscient du défi et du danger. Sentant que sa position ne serait jamais
plus forte qu’en cet instant, il déclara :
    — Je serai fier de conduire les Loups à la guerre.
    Quelques guerriers l’acclamèrent mais Eeluk secoua la tête avec
une assurance qui effraya ceux qui avaient manifesté leur soutien. Le silence
se fit de nouveau, Temüdjin retint sa respiration.
    — Je serai khan, dit Eeluk. C’est décidé.
    Quand Bekter porta la main à son sabre, les yeux d’Eeluk
étincelèrent de plaisir. Ce fut Temüdjin qui retint le premier le bras de son
frère, bien que Kachium eût été presque aussi prompt.
    — Il te tuera, murmura Temüdjin à Bekter, qui tentait
de se libérer.
    — Ou je le tuerai, comme le chien parjure qu’il est, répliqua
Bekter.
    Pris par leur lutte, ni l’un ni l’autre n’eurent le temps de
réagir quand Eeluk dégaina son sabre et frappa Bekter de sa garde, le faisant
tomber en arrière.

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