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Le loup des plaines

Le loup des plaines

Titel: Le loup des plaines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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meurtrier vers le garçon qui chevauchait à son côté. Temüdjin ne broncha
pas. À cet instant, il se moquait de se faire tuer. Quoi que l’avenir lui
réservât, il soutiendrait le regard du féal sans une trace de peur.
    — J’ai été loyal toute ma vie, déclara Eeluk, mais les
jours de ton père sont passés. Quand la nouvelle se répandra, nos ennemis
guetteront chez nous un signe de faiblesse. Cet hiver, les Tatars viendront piller
nos troupeaux, et peut-être aussi les Olkhunuts ou les Kereyits, rien que pour
voir si nous sommes toujours capables de défendre ce qui nous appartient.
    Il détourna la tête pour échapper aux yeux d’or pâle qui le
fixaient.
    — Tu sais ce qu’il aurait voulu, Eeluk. Tu sais ce que
tu dois faire.
    — Non. Non, je ne sais pas, mon garçon. Je sais en
revanche ce que tu penses et je te le dis tout de suite : tu es trop jeune
pour conduire les familles.
    La gorge nouée, Temüdjin ravala orgueil et amertume.
    — Bekter, alors. Ne trahis pas notre père, Eeluk. Il t’a
traité en frère toute sa vie. Honore-le maintenant en aidant son fils.
    Eeluk talonna son cheval et se porta en tête du groupe, le
visage cramoisi. Temüdjin n’osa pas regarder les hommes qui l’entouraient. Il
ne voulait pas apprendre à leur expression que son monde s’était écroulé. Il ne
voulait voir ni les regards interrogateurs ni la peine qu’ils partageaient avec
lui.
    Le camp des Loups était calme et silencieux lorsque Temüdjin
descendit de cheval devant la tente de son père. Il avait l’impression d’avoir
été absent pendant des années. La dernière fois qu’il s’était tenu à cet
endroit, Yesugei était plein de vie et de force, un pilier, une certitude pour
tous. Temüdjin n’arrivait pas à croire que ce monde avait disparu et ne
reviendrait plus.
    Le corps raide, il parcourut du regard les yourtes des
familles. Il aurait pu nommer l’homme, la femme et les enfants que chacune d’elles
abritait rien qu’en regardant le dessin ornant sa portière. C’était son peuple,
il avait toujours su la place qu’il y occupait. L’incertitude était une
nouveauté pour lui, comme un grand trou dans sa poitrine. Il dut rassembler son
courage pour entrer dans la tente et il serait peut-être resté plus longtemps
immobile s’il n’avait vu les Loups commencer à se rassembler alors que les
derniers rayons du soleil s’éteignaient. Il ne pouvait supporter leur pitié. Avec
une grimace, il entra et laissa retomber la portière derrière lui.
    Bien qu’on n’eût pas encore placé le feutre de nuit sur le
trou d’évacuation de fumée, au-dessus de sa tête, il faisait dans la tente une
chaleur étouffante et l’air empuanti lui donna la nausée. Il remarqua la pâleur
de sa mère quand elle se tourna vers lui. Ses défenses s’écroulèrent et il se
jeta dans ses bras. Elle le berça en silence tandis qu’il pleurait, les yeux
rivés sur le corps étiolé de son père.
    La chair de Yesugei frémissait comme celle d’un cheval
repoussant les assauts des mouches. Son ventre était couvert d’un bandage raide
de fluides séchés. Un filet de sang et de pus coulait sur la peau tel un ver et
disparaissait sous les couvertures. On avait peigné et huilé sa chevelure mais
il sembla à Temüdjin qu’elle s’était éclaircie et qu’il y avait davantage de
gris dans les mèches qui tombaient sur les pommettes. Les côtes étaient
apparentes, le visage creusé, assombri : le masque mortuaire de l’homme qu’il
avait connu.
    — Tu devrais lui parler, murmura Hoelun, les yeux aussi
rouges que ceux de son fils. Il a plusieurs fois prononcé ton nom, je ne savais
pas si tu arriverais à temps.
    Temüdjin essuya de sa manche une traînée de morve coulant de
son nez sans cesser de regarder le seul homme qu’il avait cru éternel. La
fièvre avait rongé ses muscles et il n’arrivait pas à croire qu’il avait devant
lui le puissant guerrier qui était entré à cheval avec tant de morgue dans le
camp des Olkhunuts. Il le contempla longuement, incapable de parler, vit à
peine sa mère tremper un linge dans un seau d’eau froide et le lui mettre dans
la main. Elle guida les doigts de son fils vers le visage de Yesugei et, ensemble,
ils lui rafraîchirent le front et les lèvres. La respiration courte, le garçon
luttait contre des haut-le-cœur. L’odeur de chair malade était effroyable et, cependant,
sa mère ne montrait aucun dégoût, aussi s’efforça-t-il

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