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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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trou
noir pour s’y réfugier.
    — Monsieur, dis-je sans ambages, ne vous paraît-il pas
déshonorant de ramasser une trentaine de gueux sanguinaires pour assassiner au
coin d’un bois un gentilhomme ? Si vous avez quelque querelle avec moi,
l’honneur ne vous commandait-il pas de m’appeler sur le pré ?
    — Monsieur le Comte, dit-il avec le plus grand calme,
je n’ai pas eu droit de décision en la matière. Si le duel n’a pas été retenu
contre vous, c’est, bien entendu, parce que vous possédez la botte de Jarnac.
    — Et vous avez querelle avec moi ?
    — Mais point du tout, Monsieur le Comte. J’ai agi selon
le commandement de mon maître.
    — Mais, Monsieur, comment votre maître peut-il être
différent du mien ? N’êtes-vous pas sujet du roi de France ?
    — Si fait !
    — Et s’attaquer à un officier du roi, adamantinement
fidèle à son prince, n’est-ce pas, en quelque sorte, un acte de
lèse-majesté ? N’est-il pas évident que si vous aviez réussi dans votre
entreprise, votre succès vous aurait conduit à mettre la tête sur le billot du
bourreau ?
    — Monsieur, je suis moi-même fidèle à mon maître qui
est le seigneur le plus haut en ce royaume.
    — Plus haut que le roi ? Qui dans ce royaume
serait plus grand que le roi ? Serait-ce Monsieur  ?
    — Monsieur le Comte, je n’ai pas parlé de Monsieur.
    —  C’est pourtant lui qui vous a commandé de me
tuer. Répondez, de grâce !
    — Monsieur le Comte, plaise à vous de m’excuser, mais
je ne répondrai pas à cette question.
    — Laissez-moi vous dire, Monsieur, que ce silence n’est
pas à votre avantage. Si les choses vont ce train, les juges sauront vous
ouvrir la bouche. Après quoi, le bourreau vous la fermera à jamais.
    — Monsieur le Comte, dit Monsieur de Bazainville, une
expression rusée passant sur son visage, ce grand déballage devant des juges
serait très embarrassant pour le roi, vu qu’il s’agit de son frère et
successeur éventuel. Il y a mieux à faire, à mon sentiment.
    — Et quoi donc ?
    — Un barguin.
    — Avec moi ?
    — Oui, Monsieur le Comte. Il se trouve que j’ai des
informations très précieuses et très secrètes que je pourrais vous apporter
concernant les sûretés de Monsieur le Cardinal, informations qui sont telles
que vous ne sauriez penser les payer trop cher en me baillant la liberté et la
vie.
    — Mais, Monsieur, qui pourra m’assurer de la véracité
de ces informations ?
    — Mon honneur.
    — Votre honneur, Monsieur ?
    — Ou si vous préférez, Monsieur le Comte, mon intérêt.
Qui aimerait, ayant menti là-dessus, avoir toute la police du cardinal à ses
trousses ?
    — Vous engageriez-vous à répéter ces informations
devant Monsieur le Cardinal, puisque si je vous entends bien, elles concernent
ses sûretés ?
    — Oui, Monsieur le Comte.
    — Je vous emmène donc présentement chez le cardinal.
Vous lui direz ce qu’il en est, et s’il attache créance à vos informations, je
me fais fort d’obtenir de lui votre liberté. Mais en ce qui me concerne,
laissez-moi vous dire, Monsieur, que d’ores et déjà je vous crois.
    — Vous me croyez ? dit-il, béant.
    — Oui, Monsieur. Ayant eu la bassesse de rassembler
quarante brigands pour m’assassiner, je croirais volontiers que vous aurez
aussi celle de trahir votre maître.
    — La bassesse, Monsieur le Comte ? dit
Bazainville, je suis chagrin que vous nourrissiez à mon endroit un sentiment
aussi désobligeant. Mais, pour vous parler à la franche marguerite, ce
sentiment me sera plus léger à porter que ne le serait sur mon cou nu l’épée
nue du bourreau…
    Preuve qu’à défaut d’honneur, le traître ne manquait pas
d’esprit, mais c’était le genre d’esprit dont mon grand-père, le baron de
Mespech, disait qu’il était l’apanage des gens qui ont « toute honte bue
et toute vergogne avalée ».
    Le temps de m’assurer que Charpentier avait bien jeté sur le
papier l’essentiel de cet interrogatoire, je descendis du carrosse avec le
prisonnier et l’amenai de l’autre côté du chemin à Hörner en lui recommandant
de lui entraver pieds et mains et de garder l’œil sur lui, car lui seul pouvait
révéler au roi le quoi et le qu’est-ce de l’embûche que nous avions déjouée.
Hörner incontinent le confia à un gros Suisse, lequel était bien le double de
Bazainville en hauteur, en largeur et en poids.
    Je revins à mon père qui

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