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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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afin qu’il prévienne le cardinal
de ne point saillir du logis et de s’y claquemurer jusqu’à nouvel ordre.
    — Je pourrais être ce quelqu’un, dit le commandeur.
    — Commandeur, il n’y a pas offense à vous le
dire : avec votre haute taille et vos cheveux blancs, vous êtes bien trop
voyant. Quant à moi, je vais partir sans tant languir prévenir le roi afin
qu’il décide des mesures à prendre, et tant bien je le connais, tant bien je
sais qu’il agira vite et frappera fort. De grâce, un mot encore ! Le
cardinal voudra savoir qui inspire ce nouveau coup. Que lui dirai-je ?
Est-ce Monsieur ?
    — Nenni. Depuis la visite du cardinal, Monsieur est
retourné. Et bien que ses bonnes dispositions ne durent à l’accoutumée que ce
que durent les roses, l’heure, en ce moment pour lui, et en ce qui le concerne,
est à la paix et non au couteau.
    — Qui d’autre, dans ces conditions ?
    — Les frères Vendôme. Ils ont pris le relais des
assassinats.
    — Tête bleue ! dis-je. Comment notre bon roi Henri
a-t-il pu, avec la douce et tendre Gabrielle, faire des fils aussi
méchants ?
    — C’est que le diable rit et se frotte les mains dans
les alcôves adultères, dit le commandeur roidement. Comte, je vous laisse. J’ai
quitté la Cour en catimini et je ne voudrais pas, en m’absentant davantage,
donner des ombrages et des soupçons aux gens que vous savez.
    — Le roi est-il meshui à la chasse ?
    — Oui-da !
    — La forêt de Fontainebleau est vaste. Pouvez-vous me
dire dans quel coin ?
    — Nenni, je ne le peux, mais Du Hallier le sait. Vous
le trouverez au château. Il n’a pas suivi aujourd’hui le roi, ayant la jambe
endolorie depuis sa dernière chute de cheval.
    Là-dessus, Monsieur de Valençay me bailla une courte
brassée, et s’en alla. J’appelai Clérac aussitôt et, retirant ma bague de mon
auriculaire, je lui dis de la passer au sien, de faire seller sa monture
incontinent, et de courir jusqu’à Fleury en Bière demander de toute urgence à
voir Charpentier.
    — Et que lui dirai-je ?
    — Rien. Vous lui remettrez cette bague.
    — Sans un mot ?
    — Sans un mot. Ce rubis a ceci de magique qu’il parle à
qui connaît sa langue.
    — Irai-je seul ou accompagné ?
    — Seul. Et au sortir de l’auberge, ne prenez pas à
gauche pour Fleury, mais à droite pour Fontainebleau. Vous ne tarderez pas à
trouver sur votre dextre un petit sentier qui vous ramènera, après quelques
détours, sur le chemin de Fleury.
    — Monsieur le Comte, est-ce à dire que vous vous défiez
d’un petit œil épiant ?
    — Oui-da. Soyez bien assuré que ce petit œil observera
votre département de l’auberge. Partez donc en flânant au pas sans nulle hâte,
du moins pour l’apparence, car il faudra cacher sous votre casaque un pistolet
bandé, amorcé, le chien abattu, un second dans votre pourpoint, l’épée au côté
et une dague dans vos chausses. Courez au petit trot, le chapeau très enfoncé
sur l’œil. Ce n’est qu’à un quart de lieue de Fleury que vous pourrez galoper à
brides avalées. Dès que vous aurez remis la bague à Charpentier, car c’est lui
et lui seul que vous devez voir, vous reviendrez céans, mais toujours par le
détour que vous avez fait de prime et paraissant, par conséquent, revenir de
Fontainebleau. Aux abords de l’auberge, portez un air paisible et souriant,
comme satisfait de votre petit trot matinal. Vous ne me trouverez point à L’Autruche, ni moi ni vos hommes. Je serai parti avec eux pour Fontainebleau. Faites
comme si vous n’en aviez cure. Commandez-vous à mes frais une bonne repue
arrosée de bon vin et si vous avez alors appétit à quelque badinerie…
    — Nenni, nenni, Monsieur le Comte, je n’appète qu’à
boire dans mon verre, lequel est le plus beau du monde.
    — Bravissimo ! Naturellement, avant que de
départir de L’Autruche pour Fleury, dites à vos hommes de seller mon
cheval et les leurs. Notre département suivra de peu le vôtre.
    Quant à moi, je saillis de L’Autruche aussi
nonchalamment que je l’avais recommandé à Clérac, du moins autant que je le
pus, car mon Accla, heureuse de se dégourdir les jambes, m’eût fait prendre le
galop, si je ne l’avais bridée.
    À Fontainebleau, je trouvai le pauvre Du Hallier couché sur
son lit, la crête rabattue et la trogne irritée, égrenant un interminable
chapelet de « Morbleu ! », « Tête bleue ! »,
« Palsambleu ! »

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