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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Hélas, pauvre Chalais !…
    Cependant, mes propos avaient tout à la fois rasséréné le
marquis et ravivé les couleurs de son ambition.
    — Comte, dit-il, si l’on veut que d’une part
j’avertisse des complots qui se machinent contre le roi ou le cardinal, et que
d’autre part je pousse Monsieur à marier Mademoiselle de Montpensier –
comme assurément je le peux, poursuivit-il, la crête haute –, il faudra,
pour me récompenser de mes peines, me bailler quelque chose de conséquent, je
dirais même de considérable.
    — Mon ami, dis-je sur le ton de la confidence, je ne
crois pas trahir un secret en vous disant que vous ne serez pas déçu.
    — Eh quoi ! Comte ! Vous sauriez ce qu’on me
destine et vous ne me le diriez pas ?
    — Je vous le dirais, mais sous certaines conditions.
    — Lesquelles ?
    — Vous resterez là-dessus bouche cousue.
    — Je le promets.
    — Nenni. Nenni. Ce n’est pas suffisant.
    — Eh bien soit ! Je vais vous faire un serment que
je n’ai encore jamais fait. Je jure par la Vierge Marie que je demeurerai clos
là-dessus.
    Chalais nourrissant une dévotion particulière pour la Mère de
Dieu (sans doute dérivée de la grandissime amour qu’il portait à sa propre
mère), ce jurement me rassura sur la solidité de sa parole.
    — Mon ami, dis-je, oyez bien ceci ! Le roi
envisage de vous donner, sur le conseil du cardinal, la charge de grand maître
de camp de la cavalerie légère.
    — Vramy ! dit Chalais au comble de la joie. Et
croyez-vous que je la puisse remplir ?
    — Elle me paraît, en fait, singulièrement appropriée à
votre personne, dis-je, en me donnant le plaisir de jouer sur les mots.
    Mais Chalais n’en était pas à distinguer ces nuances de
langage, si tant est qu’il les perçût jamais. Il ne m’écoutait plus. Il était
tout à son rêve et prit congé, m’embrassant derechef à l’étouffade. Puis il
envisagea une montre-horloge qu’il tira de son pourpoint, cria qu’il était en
retard, qu’il allait me quitter dans la minute, et qu’il était à jamais mon
immutable ami.
    — Marquis, dis-je, un mot encore. Comment
m’avertirez-vous des complots que vous pourrez découvrir ?
    — Je viendrai au galop vous le dire céans. Cela
n’étonnera personne à la Cour que je hante l’auberge de L’Autruche. On
n’ignore pas, dit-il avec un sourire assez fat, que j’y ai mes petites
habitudes…
     
    *
    * *
     
    Dans l’après-dînée de ce même jour, la considération que la
petitime nourrissait pour moi grandit encore, quand elle vit le carrosse aux
armes du cardinal s’arrêter devant son auberge. Mais sa liesse fut courte car
il n’en sortit que Charpentier, lequel la pria poliment de lui montrer ma
chambre, ce qu’elle fit. Mais il y eut là quelque difficulté, car le
mousquetaire en faction devant ma porte noulut laisser passer Charpentier, tant
que, oyant cette noise, je parus sur le seuil, et fis entrer le secrétaire tout
en félicitant le mousquetaire de me garder si bien.
    L’huis reclos, j’ouïs le mousquetaire chanter pouilles à la
petitime pour ce qu’elle rôdait autour de mon huis sous le prétexte d’attendre
Charpentier pour le raccompagner. « M’amie, lui dit-il à la fin d’une voix
forte et gasconne qui traversa le chêne de ma porte, votre place n’est point
céans, pas plus que celle de votre mignonne oreille à la serrure que
voilà ! Partez, m’amie ! Partez ! Sans cela je me verrai
contraint de vous soulever entre le pouce et l’index et de vous jeter en pâture
à douze mousquetaires affamés. » Là-dessus lesdits affamés sortirent sur
le palier en riant à gueule bec, tant est que la petitime, à ce qu’on me
raconta plus tard, voleta incontinent au bas des escaliers avec des
craquettements effrayés de poulette poursuivie par une meute de renards. De
monstre velu il n’y avait pas trace cet après-midi-là. Il faisait la sieste.
    J’accueillis Charpentier en toute bonne et franche
cordialité tant j’estimais ce manieur de plume et lanceur de cotels.
    — Le cardinal, dit-il en baissant la voix, voudrait
savoir si vous avez vu notre homme et si vous l’avez convaincu.
    — Je l’ai convaincu, oui, pour le moment. Dans un
avenir proche, il ne faillira pas à nous dire ce qu’il apprend des projets
meurtriers de ces messieurs. Mais je ne garantis pas le long terme. Car cette
girouette a trahi si facilement ses amis qu’il pourrait bien, à l’occasion,

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