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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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circonspection au-dessus de la palissade et
aussi quelques mousquets. Mais aucun ne fut braqué sur nous. Et ce n’est qu’au
bout d’un moment, nous ayant sans doute envisagés et dévisagés par quelques
ouvertures bien dissimulées dans la palissade, qu’une voix forte dit en
anglais :
    —  Who are you and what do you
want ?
    — I am the comte d’Orbieu. I have a
message to deliver to my lord Duke of Buckingham.
    —  Monsieur, give me your message. I’ll deliver it myself.
    — No, my friend. I want to see my lord
Duke personally. He knows me.
    — Pardon me, Monsieur. Please dismount and come in. Your trumpet will keep
guard over your horses. Pray, who is the young man with you, my Lord ?
    — My attendant. I desire him to
come with me [83] .
    La palissade fut déclose si chichement que Nicolas et moi ne
pûmes franchir la chicane qu’en nous mettant de profil. Ce qui se disait
autrefois « prêter le flanc » car le flanc, précisément, que vous
présentiez en biais, n’était pas cuirassé. Il était par conséquent sans défense
contre un coup de pique. Il ne nous arriva rien de tel. Je pus voir enfin mon
interlocuteur. Un sergent, à ce qui me sembla. Sorte de géant roux dont les
joues étaient aussi rouges que les cheveux.
    —  My Lord, dit-il, what did
you say was your name ?
    —  D’Orbieu.
    —  D’Orbiou.
    — No, my friend, d’Orbieu.
    —  That’s what I’ve said, dit le sergent d’un ton
quelque peu piqué. D’Orbiou. My Lord, pray, wait here a
moment. I will see if my lord Buckingham is willing to have you on board [84] .
    Ayant dit, il sauta incontinent dans une barque et,
godillant d’une main avec une adresse qui m’émerveilla, il gagna, en un
battement de cils, un magnifique vaisseau qui était ancré à deux encablures de
la côte.
    J’attendis sur la plage, quasi à la limite où venait mourir
la dernière vaguelette de l’océan. La mer était d’huile, le soleil chaleureux,
les Anglais qui nous entouraient, parfaitement polis. Qui diantre eût pu croire
qu’on était en guerre, s’il n’avait aperçu, à une dizaine de toises de la
plage, un charnier recouvert à la hâte de quelques pelletées de sable et dont
saillait qui-cy une tête, qui-là un pied. C’étaient les nôtres, à n’en douter
point, car les Anglais avaient dû déjà ensépulturer les leurs dans des tombes
surmontées d’une croix, puisque, comme nous, ils étaient chrétiens. Ce qui eût
dû nous donner les uns vers les autres quelque obligation d’amitié.
    Quand le vent soufflait du mauvais côté, il nous apportait
une odeur à la fois fade et pestilentielle qui était la seule chose qui émanait
encore de ces hommes qui avaient été nos compagnons et que nous allions
enterrer au plus vite pour tâcher de nous persuader que le glas ne sonnerait
que bien plus tard pour nous, nous laissant dans l’intervalle quelques
gracieuses petites années.
    Je détournai la tête sans tout à plein détourner le dos par
une sorte de vergogne et j’observai que Nicolas, la face un peu pâle, en avait
fait autant. Il demeurait clos et coi comme à l’accoutumée et surtout, à cet
instant, je lui en sus gré. Et d’autant qu’il avait une façon délicate de se
taire alors que les silences mêmes de mon pauvre La Barge babillaient comme des
harenguières, étant gros des questions qui lui gonflaient les joues. La pensée
me vint tout soudain que j’allais, se peut, perdre dans cette guerre-ci
Nicolas, comme j’avais perdu La Barge dans l’embûche déjouée de Fleury en
Bière. C’était là, je le confesse, une pensée tout à plein superstitieuse où
personne n’eût pu trouver le moindre grain de raison. Il n’empêche que la
prenant très à cœur, je fis sur l’heure et j’ose le dire, les lèvres
tremblantes, une courte prière au Seigneur pour qu’il voulût bien sauvegarder
Nicolas.
    À la parfin, apparut, venant du vaisseau, non pas la petite
barque que j’avais vue départir, mais une belle et grande chaloupe. Dès qu’elle
eut touché le sable, le sergent roux apparut à la proue et me pria de monter.
Lecteur, je fus béant à voir le faste de ce bateau couvert d’un toit en acajou
et dont les murs à l’intérieur étaient tendus d’écarlate. Il était meublé à
ravir de chaires à bras dorées. Je fus invité à m’aiser sur l’une d’elles,
tandis que trois musiciens vêtus de pourpoints à longues manches grattaient sur
leurs petits violons des

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