Le Manuscrit de Grenade
descendants. Cela devient encore plus intéressant quand on sait qu’un parchemin essénien, ramené à Rome par les chevaliers du Temple, parle lui aussi du manuscrit d’Abraham et annonce l’apparition d’une nouvelle Jérusalem. Nous savons tous que la première partie de la prophétie va se réaliser. En ce mois de juin 1491, Grenade est un fruit mûr qui tombera bientôt aux mains des Rois Catholiques.
— Vous croyez vraiment que ce manuscrit existe ? intervint Myrin d’un ton sceptique.
— Je l’ignore, mais si j’étais plus jeune, je vous accompagnerais dans la « ville fruit » pour le chercher. Des nuages de cendre et de sang planent sur les temps à venir. Partez à la recherche de ce trésor et découvrez ce qu’il recèle. Je n’ai pas d’autres conseils à vous donner. Mes prières vous accompagneront et le Seigneur vous guidera. Ayez confiance.
Au moment où l’abbé levait la main droite pour les bénir, son regard se porta sur la lettre posée sur sa table. Il hésita, la saisit, puis la lut à haute voix :
— La juive Myrin de Luz est soupçonnée de sorcellerie. Quiconque lui donnera asile s’attirera les foudres de la Sainte Inquisition. Si vous croisez cette infidèle, contactez dans les plus brefs délais les hermandades . Il se tut quelques instants. Soyez prudents. Reposez-vous quelques heures, puis fuyez avant l’aube. Votre carriole et vos montures vous attendront sur la route en bas de la montagne, le long du fleuve.
Accompagnés par sœur Anna, les trois voyageurs regagnèrent la cellule des filles.
— Il vaut mieux que Pedro ne vous quitte pas, chuchota la nonne en les faisant entrer dans la petite chambre.
Bien installées sur leur lit, les demoiselles s’endormirent aussitôt. L’inconscience de la jeunesse, pensa Pedro en écoutant avec envie leur respiration paisible. Assis par terre contre la porte, il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Dissimulé dans le fruit, celé dans un manuscrit, un trésor dort à l’abri pour les maudits et les bannis. L’esprit possédé par cette ritournelle mystérieuse, il avait l’impression de devenir fou. Un gémissement s’échappa de la couche où dormait Myrin. Le sommeil de la jeune femme n’était pas si paisible. Que s’était-il réellement passé dans la venta abandonnée ? La pierre de lune avait-elle des pouvoirs magiques ? Il frissonna. Quand il perdit conscience, ce fut pour se retrouver dans un rêve angoissant.
Transformé en berger, une pomme dans la main gauche, une crosse en bois dans la droite, il contemplait trois jeunes femmes magnifiques debout devant lui. La guerrière tenait une épée, la princesse, un énorme rubis et la fille en tenue d’Ève, une coupe en or pleine de sang. Toutes le contemplaient avec attention, comme si elles attendaient sa décision. Tout à coup, il tomba à la renverse. Sa tête cogna le sol de marbre avec un bruit mat. La douleur lui arracha un juron.
Un jeune moine le secouait avec vigueur en chuchotant :
— Vite, il faut partir, Koldo et ses chevaliers viennent d’arriver.
La présence des traqueurs le réveilla. Il se redressa, se précipita sur ses compagnes :
— Debout, il faut fuir !
Effrayées, les jeunes filles s’exécutèrent sans un mot.
Leur guide marchait vite. Ils empruntèrent quelques couloirs silencieux pour enfin sortir dans la nuit, au milieu du potager.
Le moine se dirigea alors vers un puits. Sans un mot, il s’empara des baluchons des demoiselles, les mit sur son épaule, enjamba la margelle du puits, et disparut. En se penchant, Pedro aperçut une échelle de fer. Il chuchota :
— Myrin, toi d’abord. Yasmin, tu la suis. Je ferme la marche.
Ils descendaient en silence depuis quelques minutes quand ils arrivèrent devant une grotte creusée dans la paroi. Leur sauveur les y attendait avec une torche allumée. Il les aida à passer de l’échelle au couloir, puis s’en alla. Les fuyards s’empressèrent de lui emboîter le pas. La montagne était un véritable labyrinthe de galeries inclinées. Ils y croisèrent des rats et dérangèrent des chauves-souris. Des bêtes moins féroces que les sbires de l’Inquisition.
Au bout d’une demi-heure environ, ils atteignirent le bas de la montagne, où les attendait leur équipage. Sans un mot, le moine leur fit signe de se diriger vers la gauche, puis il tourna les talons et repartit en sens inverse.
Une fois les filles installées sur le banc de la
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