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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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Isabeau. Cet homme, qui avait contemplé sans ciller des femmes et des enfants brûler sur les bûchers, se liquéfiait devant la mort d’un moine soldat. Qu’il pleure le seul être qu’il chérissait ! La punition était encore trop douce.
    Encore sous le choc, les prisonniers virent alors s’avancer vers le centre de la grotte le sultan Boabdil en personne. Ceux qui ne le connaissaient pas découvrirent un homme encore jeune, aux traits mous, et au corps un peu enrobé. Sur sa tunique de soie verte assortie à son pantalon bouffant, il portait une grande cape de laine blanche. Son regard curieux effleura Isabeau toujours déguisée en garçon, se posa avec intérêt sur la femme voilée appuyée contre le tombeau, s’attarda quelques secondes sur le dernier Gomenez, puis aperçut enfin l’émeraude. D’un geste naturel, il s’en approcha et la saisit comme s’il ne s’agissait que d’une simple babiole sans intérêt particulier. Sans doute démonté par ce manque de respect envers une relique sacrée, Pedro retint son souffle, puis expira profondément pour évacuer colère et frustration. Au même instant, Myrin se tassa sur elle-même. Isabeau ne pouvait voir ses sentiments, mais elle pouvait sentir le corps de la guérisseuse qui tremblait.
    Quand la pierre fut en sa possession, le sultan l’enfouit dans une de ses poches, puis se tourna vers le Grand Inquisiteur toujours agenouillé devant le corps de son chien de chasse :
    — Aviez-vous l’intention de m’apporter ce joyau ?
    Sa voix était douce, son ton courtois, comme s’il parlait à un ami et en attendait une réponse positive.
    — Peu importe. Nous sommes tous attendus au palais par notre mage vénéré, le grand Mahmoud, et par ma très chère mère. Jeunes gens, réjouissez-vous. Cette découverte va les mettre de bonne humeur. Peut-être même accepteront-ils de vous rendre votre parfumeuse.
    Un cri de rage l’interrompit. Prenant tout le monde par surprise, Pedro bondit et se jeta sur don Manuel avec la ferme intention de l’étrangler :
    — Espèce de chien puant ! Tu disais l’avoir mise en lieu sûr.
    Deux sbires le ceinturèrent pendant qu’un troisième le frappait à la tête avec le pommeau de son yatagan. Le converti s’écroula dans les bras de ses agresseurs qui le traînèrent vers la sortie.
    Encadré par sa garde rapprochée, le sultan regagna l’extérieur de la grotte où l’attendait un magnifique pur-sang blanc. D’un doigt impérieux, il désigna deux alezans aux envoyés des Rois Catholiques qu’il continuait à traiter en hôtes de marque. Comme le prélat restait prostré à côté de sa monture, don Manuel l’aida à se mettre en selle, puis sauta sur le dos du cheval qui lui était réservé.
    Isabeau aida Myrin à monter dans une charrette où gisait le corps évanoui de Pedro. La guérisseuse s’empressa de le rejoindre et de tâter son pouls.
    — Il est vivant. Une grosse bosse et un mal de tête assuré au réveil, rien de plus.
    Elle parlait d’une voix faible et tremblait toujours de tous ses membres. Elle se blottit contre le maître d’armes.
    La charrette s’ébranla sous un ciel constellé d’étoiles. Une escouade de soldats armés les entourait.
    Assise aux côtés de la guérisseuse, Isabeau ne pouvait s’empêcher de jeter de fréquents coups d’œil sur Manuel. Elle regrettait son mouvement d’humeur. Il n’avait pas eu le choix. Pourquoi était-elle toujours en colère contre lui ? Parce qu’il l’attirait ? La jeune fille porta les mains à sa poitrine qui lui faisait mal depuis qu’elle se développait. Habituée à son corps androgyne, elle se sentait mal à l’aise avec sa nouvelle féminité.
    — Mon corps me trahit au plus mauvais moment, dit-elle à haute voix sans même s’en rendre compte.
    — Réjouis-toi, tu seras bientôt femme. Tchalaï disait que seul un événement important, ou un choc nerveux, serait capable de déclencher cette réaction.
    La voix de sa compagne était si faible et si triste qu’Isabeau se tourna vers elle. Un voile dissimulait toujours la chevelure flamboyante et le visage parsemé de taches de rousseur. D’un geste délicat, elle le souleva puis le remit en place avec une douceur qui ne correspondait pas aux émotions tumultueuses qu’elle ressentait, pitié, compassion, horreur.
    Serions-nous maudites ? Elle jeta un regard amer sur le bel hidalgo qui chevauchait devant la charrette. C’est trop tard, nous avons

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