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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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Celui-ci tendit sa paume droite pour que la guérisseuse y dépose son anneau. Au lieu d’obéir, la prisonnière mit les mains derrière son dos d’un air farouche.
    Le mage brandit alors la loupe de Khider et une langue de feu en jaillit. Il y eut un grésillement, un hurlement et une odeur de chair brûlée. Un cercle rouge apparut au milieu du front de Myrin, comme un troisième œil, puis celle-ci s’effondra évanouie. La silhouette décharnée de Mahmoud se cassa en deux et ses longues mains subtilisèrent la bague en une fraction de seconde. Il se redressa et l’enfouit dans sa poche sans paraître remarquer les regards de haine de ses prisonniers.
    Pedro se pencha sur celle qu’il aimait. Alors qu’il contemplait le visage dévasté par le temps, ses traits traduisaient un tel sentiment de perte qu’Isabeau se détourna, bouleversée.
    Un gémissement. Myrin entrouvrit ses paupières et les referma aussitôt, comme brûlée par les émotions du guerrier.
    — Aide-moi à me relever, chuchota-t-elle d’une voix tremblante.
    Maladroitement il souleva la silhouette légère et frêle comme celle d’un arbre sec et la cala contre sa poitrine. Tendrement il effleura ses lèvres, caressa sa chevelure rousse que de longues mèches grises éteignaient, puis la reposa délicatement sur ses pieds. Le chagrin du guerrier était si violent que ses membres vibraient comme des cordes de violon trop tendues.
    Une fois debout, Myrin tituba quelques instants avant d’examiner son annulaire. Sa bague n’était plus là. Isabeau la vit se recroqueviller sous l’effet de la tristesse. Quand sa tante était morte, elle s’était sentie abandonnée, orpheline pour la deuxième fois. En perdant cette bague, dernier souvenir de sa mère, Myrin devait éprouver des sentiments similaires. Ils ne faisaient pas le poids face à la puissance de ce sinistre nécromant. Désemparée, elle examina en douce les traits impassibles de Manuel. Son comportement calme et réservé la rassérénait. Elle aurait donné cher pour lire dans ses pensées. Tous les autres semblaient persuadés qu’ils ne sortiraient pas vivants de cette salle. Même le sultan Boabdil arborait un dégoût profond mêlé à une peur viscérale.
    Leur hôte s’intéressait de nouveau à Pedro. Il le toisa quelques instants d’un œil pensif. Emmuré dans sa tristesse, celui-ci ne parut pas se rendre compte de l’examen dont il était l’objet. Mahmoud hocha la tête d’un air satisfait avant de lui prendre familièrement le bras pour l’entraîner vers le fond de la salle :
    — Toutes ces magnifiques statues sont mon œuvre. L’une d’elles devrait vous intéresser, et vous rendre des couleurs, ajouta-t-il sur un ton affable en s’arrêtant devant une silhouette féminine couleur rubis.
    Pendant quelques instants, Pedro resta sans réaction, puis il devint blanc comme craie et chancela. Isabeau se précipita pour le soutenir. Jamais elle n’avait vu son maître d’armes dans cet état. Une fois à ses côtés, elle regarda la sculpture rouge qu’il fixait avec horreur. Cette silhouette gracieuse et sensuelle, cette grâce espiègle, ce visage en amande aux rondeurs encore enfantines…
    — Ce n’est pas possible, balbutia-t-elle d’une voix tremblante. C’est monstrueux.
    Myrin et Manuel les avaient rejoints et contemplaient, hébétés, la transmutation de la princesse maure.
    Pedro se mit à pleurer. D’un geste machinal, comme s’il voulait s’assurer de la nature de la statue, il effleura l’épaule droite de Yasmin. Isabeau, qui se tenait tout contre lui prête à l’épauler, le sentit défaillir, puis son corps se redressa et il s’écria :
    — Elle est encore chaude.
    D’un mouvement brusque, il échappa à l’emprise de son ancienne élève et enlaça la silhouette cristalline.
    D’une poigne ferme, le nécromancien l’éloigna de la statue :
    — Si vous la brisez, je ne pourrai plus la ramener à la vie.
    — Vous le pourriez ?
    — Il suffit que vous me disiez à quoi sert cette émeraude, et je vous rendrai cette jolie demoiselle. Avec regret, d’ailleurs.
    La figure du soldat, un instant plein d’espoir, se décomposa. Confronté à un choix impossible, Pedro baissa la tête d’un air désespéré.
    — C’est à toi de décider, souffla Isabeau.
    Mais le converti murmura tristement :
    — Yasmin ne me le pardonnerait jamais.
    À ce moment-là, la sultane mère, que tout le monde avait oubliée,

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