Le Maréchal Berthier
Berthier. Mais souvent Thiers s'appuie sur des ragots. L'anecdote est d'autant moins crédible que les lettres de Berthier à ce moment sont assez explicites. Il ne songeait qu'à continuer à assurer ses fonctions de major général. Il est toutefois possible que le maréchal ait suggéré à l'empereur de l'emmener avec lui, sa place étant à ses côtés, et surtout il s'entendait assez mal avec Murat. Il n'était pas le seul à contester cette nomination. Eugène y était tout autant opposé et aura un peu plus tard un mot cruel lorsqu'à son tour Murat quittera l'armée pour regagner son royaume afin d'en préparer la défense.
Mais Napoléon refusa de revenir sur sa décision. D'ailleurs, la présence de Berthier au quartier général était, estimait-il, un facteur de cohésion dont l'armée avait le plus grand besoin et pouvait aider à atténuer le mauvais effet que ne manquerait pas de produire ce départ de l'empereur.
À partir de ce moment, le rôle de Berthier prit un caractère particulier. Un certain nombre de généraux qui n'avaient pas apprécié la nomination de Murat entreprirent de s'adresser directement au major général comme s'il était le véritable commandant en chef, ce dont il se défendit. Mais ceci n'améliora pas ses rapports avec le roi de Naples. Continuant à reculer, l'état-major atteignit la frontière, puis gagna Königsberg le 19 décembre. Les Russes avaient interrompu leur poursuite dès que les Français avaient repassé le Niémen. Koutouzov avait agi de sa propre autorité, contre la volonté du tsar, jugeant que ses divisions avaient besoin de repos. À Königsberg dont la population se montra plutôt hostile, les Français purent séjourner et jouir de quelque répit. Cependant Berthier se préoccupait des unités avec lesquelles il pouvait avoir un contact direct. Il chercha à se mettre en rapport avec Macdonald qui tenait l'extrême gauche du dispositif français et avait été assiéger Riga sur la rive de la Dvina. Celui-ci avait participé sans trop de difficultés au repli général et se trouvait à présent à Tilsit. Mais il informa Berthier que le corps prussien de Yorck jusque-là sous ses ordres avait fait défection. Officiellement il se contentait d'afficher sa neutralité, mais il était douteux qu'il restât immobile et selon toute probabilité il passerait bientôt à l'ennemi. Réduit à une division, sans cavalerie, Macdonald réussit tout de même à rallier l'armée.
Puis ce fut Murat qui jugea sa présence plus utile à Naples et abandonna le commandement de l'armée à Eugène qui prétendait qu'une telle responsabilité ne pouvait être prise que par l'empereur mais qui finit par accepter sur les instances de Berthier. Celui-ci avait fait son possible pour retenir Murat, lui expliquant que le moral des hommes déjà atteint par le départ de Napoléon ne résisterait pas à ce nouveau coup. Il prévint aussitôt l'empereur, car les liaisons par estafettes avec Paris étaient rétablies. Le 4 janvier 1813, le major général et ce qui restait de son état-major, peu de monde car beaucoup de ceux qui étaient sortis de Russie souffraient de membres gelés, arrivèrent à Elbing sur la Baltique. Depuis plusieurs jours, Berthier souffrait d'une crise aiguë de rhumatismes compliquée par la goutte et une inflammation de la vésicule biliaire. Malgré son désir de continuer à travailler, il dut s'aliter. Il était épuisé et désigna pour le remplacer son second, le général de Monthyon. Du fond de son lit, il trouvait encore l'énergie d'écrire à sa femme et à sa maîtresse pour les rassurer sur son état de santé. Eugène estima de son devoir de prévenir Napoléon de la maladie du prince de Wagram et le 29 janvier reçut l'ordre de le renvoyer immédiatement à Paris.
On a beaucoup épilogué sur le rôle de Berthier pendant la campagne de 1812. Certains ont été jusqu'à lui reprocher de ne pas avoir fait davantage pression sur l'empereur pour l'amener à arrêter son offensive dans les derniers jours de l'été. Comme si Napoléon avait écouté autre chose que sa propre intuition et accepté le moindre conseil ! Il en était venu à croire que le comportement de Berthier était dicté par un sentiment d'égoïsme personnel ! Moscou, but de l'offensive, était atteinte, mais cela ne menait à rien. Berthier fut de ceux qui estimèrent qu'il fallait en repartir tout de suite. Là encore il ne put convaincre l'empereur, saisi d'une
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