Le Maréchal Berthier
gouvernement français mit à la disposition de Berthier vingt demi-brigades d'infanterie et cinq régiments de cavalerie, ainsi que de l'artillerie. Une réserve était constituée par deux légions de volontaires polonais, ardents catholiques, mais que l'idée de marcher contre les États du pape ne semblait pas troubler. Berthier fut mis à la tête de cette petite armée, indépendamment de son autre commandement. Pourtant, la mission ne l'enthousiasmait guère. Quoique acquis aux idées prônées par le Directoire, il restait suffisamment en lui de traces de la religion de son enfance pour que l'idée d'être obligé d'arrêter le saint-père lui fût désagréable. De plus, il connaissait le but secret de l'opération. Si le Directoire s'était montré favorable au projet de Bonaparte d'aller conquérir l'Égypte, il l'avait prévenu qu'il n'avait pas les moyens de financer l'expédition. D'où l'idée de soutirer l'argent des États pontificaux que l'on savait riches, en versant toutefois une partie du butin dans les caisses de l'État, toujours vides. Dans le but de matérialiser cette gigantesque entreprise de pillage, Bonaparte adjoignit à Berthier le banquier suisse Haller, personnage un peu louche qui l'avait beaucoup servi lors de la campagne de 1796. Haller savait qu'à Rome le mont-de-piété était particulièrement riche en numéraire et que, de plus, un certain nombre de familles patriciennes pourraient être frappées d'importantes contributions de guerre. Monge, l'ami de Berthier, se joignit également à l'état-major avec l'intention non dissimulée de faire main basse sur un certain nombre de manuscrits et d'oeuvres d'art destinés à enrichir les fonds de l'Institut de France.
Avant même de la commencer, Berthier savait que c'était la dernière mission qui lui serait confiée en Italie. Ses instructions se terminaient par l'annonce qu'il était nommé chef d'état-major de l'armée d'Angleterre. Il allait une nouvelle fois se retrouver collaborateur direct de Bonaparte. C'était tout ce qu'il demandait. Il quitta Milan, le 26 janvier, et gagna Macerata où était établi le quartier général. De là, il marcha avec son armée sur Tolentino qu'il atteignit le 5 février. Il ne se hâtait pas puisqu'il lui fallut encore cinq jours pour arriver devant Rome. Ce fut une promenade militaire, l'armée papale n'essayant même pas de résister. Du reste, on savait au quartier général que ni le roi de Naples, ni l'empereur d'Autriche sollicités d'intervenir en faveur du pape n'avaient l'intention de bouger, pourvu que le gouvernement français y mît les formes !
Pendant cette progression, le gouvernement pontifical envoya à Berthier plusieurs personnalités pour tenter de négocier. Il refusa de les recevoir mais leur fit savoir que ce seraient le pape et les cardinaux qui porteraient la responsabilité de l'assassinat de Duphot. En revanche, Berthier était conscient des difficultés qui l'attendaient avec le peuple romain très attaché au pape et profondément anti-français. Le 10, il fit son entrée dans la ville au milieu d'une foule silencieuse, voire hostile, et il comprit que la fondation d'une république correspondant aux voeux de la population serait un morceau qu'il serait difficile de faire avaler aux chancelleries européennes. Mais le Directoire, pour monter la pièce, l'avait flanqué d'un agitateur professionnel, nommé Barral, que Berthier avait connu lorsqu'il était curé de Saint-Louis à Versailles ! En attendant, le général faisait occuper les points stratégiques de la ville, à commencer par le château Saint-Ange où étaient entreposés nombre de canons, de fusils et leurs munitions.
Ces précautions prises, il fit connaître au pape les réparations qu'exigeait son gouvernement pour le meurtre de Duphot. Outre les mesures de sûreté allant de la remise d'otages au dépôt de toutes les armes des particuliers, il demandait une contribution extraordinaire de quatre millions de piastres en espèces, plus deux millions de piastres sous forme de biens qu'il désignerait et estimerait lui-même, plus trois mille chevaux, tous les biens des émigrés ayant trouvé refuge à Rome ainsi que ceux des résidents étrangers dont les pays étaient en guerre avec la France. Ensuite, le gouvernement papal devait faire élever à ses frais un monument à l'endroit où Duphot avait été assassiné ; une cérémonie expiatoire serait organisée au Capitole et elle ferait
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