Le Maréchal Berthier
l'objet d'une inscription ; une délégation de prélats et de princes romains se rendrait à Paris pour présenter ses excuses. Enfin, mais là l'opération prenait nettement des allures de brigandage, des experts français, Monge en l'occurrence, seraient autorisés à enlever des tableaux, livres, manuscrits, statues et autres objets d'art jugés dignes d'être transportés en France ! L'autorité papale s'inclina et accepta le tout. Que pouvait-elle faire ?
Cependant, Berthier n'avait pas fait savoir qu'il avait ordre de continuer le travail de Joseph Bonaparte et de faire éclore cette République romaine qui tenait tant à coeur au Directoire. Par la même occasion, le saint-père était prié de vider les lieux. On se proposait de l'emmener prisonnier. Phénomène curieux : constatant que ce n'était pas à lui que l'armée française s'en prenait mais aux dignitaires de l'Église et que, de plus, nos troupes se comportaient correctement (Berthier y veillait), le petit peuple romain se sentait devenir francophile. Aussi, le 15 février, Barral, qui avait été vite en besogne, et ses acolytes proclamèrent la république au milieu de l'allégresse générale. Resté au milieu de ses troupes, Berthier s'était bien gardé de se mêler à la comédie. Lorsqu'une délégation vint le trouver pour le prier de venir au Capitole entériner la décision du peuple, il ne put qu'y répondre favorablement. Là, il prononça un discours et dans le style emphatique et pompeux qui était de mise à l'époque, il commença par évoquer les mânes de Caton, de Pompée, de Brutus, de Cicéron et d'Hortensius dont on pouvait se demander ce qu'ils faisaient là ! Dans les jours qui suivirent, il s'attacha à organiser cette nouvelle république et commença à préparer le départ du pape, lequel ne semblait pas pressé de s'éloigner. Pendant ce temps, Haller faisait main basse sur tout l'argent qu'il pouvait trouver, et des convois fortement escortés partaient chaque jour pour la France. Ces transports ne passaient pas inaperçus, d'autant que les responsables ne faisaient rien pour les cacher. Or, il se trouvait que les troupes françaises n'avaient pas perçu leur solde depuis près de six mois. Aussi, des rumeurs commencèrent-elles à circuler et le mécontentement grandit dans les régiments. Il semble que ce début d'agitation échappa à la sagacité du général en chef. Il était tout occupé du départ du pape car décidément celui-ci ne voulait pas quitter Rome. Il fallut, à son regret, qu'il le menaçât d'employer la force pour que le souverain finît par s'incliner. Il partit avec une faible escorte et gagna Florence. De là, il fut emmené en France où il devait mourir l'année suivante. Aussitôt après, Berthier, à qui Bonaparte avait écrit : « Faites argent de tout pour sustenter votre armée », essaya de faire face à une situation d'autant plus inextricable que le gouvernement français ne répondait pas à ses demandes, estimant que les soldats n'avaient qu'à se servir sur le dos de la population. Telle était la situation lorsque Berthier, qui considérait sa mission comme à peu près terminée, fut avisé par le Directoire de l'arrivée de Masséna désigné pour le remplacer.
Ce choix n'enthousiasma pas Berthier. Ses rapports avec Masséna avaient toujours été difficiles. De plus, il arrivait plus tôt que prévu et avant que l'envoi vers la France du fruit des rapines d'Haller fût achevé. On pouvait craindre que Masséna, dont le caractère intéressé était bien connu, ne commençât par se servir sur ce qui restait de butin à Rome. Parti de Paris le 4 février, ce dernier arriva à Rome le 19 au soir et, dès le lendemain, reçut la visite de Berthier qui, pour mieux le contrôler, réussit à lui faire accepter son frère César comme chef d'état-major. Le 22 eut lieu la cérémonie expiatoire en faveur de Duphot. Berthier et Masséna la présidèrent côte à côte. Ce même soir, Alexandre annonça que la passation des pouvoirs aurait lieu le lendemain et qu'il prolongerait de quelques jours son séjour pour visiter la ville et ses environs. Ce fut précisément le 23 février que la révolte des troupes françaises éclata. Des officiers subalternes se réunirent spontanément [ ?] au Panthéon pour réclamer qu'on leur versât leur dû et exigèrent le départ du nouveau général en chef. Celui-ci envoya son chef d'état-major, César Berthier, pour tenter de leur faire
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