Le Maréchal Berthier
entendre raison et de calmer le jeu. Or, dans cette affaire, le rôle que joua César Berthier est des plus étranges pour ne pas dire suspect. À quel mobile obéissait-il ? Était-ce sur ordre d'Alexandre désireux de gagner du temps ? Agissait-il de sa propre initiative ? Toujours est-il que, loin de se calmer, l'agitation reprit de plus belle. Masséna le prit de haut et ordonna d'arrêter la délégation que les révoltés lui avaient adressée. Mais ceux-ci réussirent à s'échapper. Profitant de cette crise, une partie de la population romaine excitée par le clergé et l'ambassadeur d'Autriche entreprit de se soulever. Les troupes ayant refusé d'obéir à Masséna, celui-ci quitta momentanément Rome, laissant Berthier assumer le commandement. Le comportement de celui-ci eut quelque chose d'étrange. Retiré sous sa tente, il ne fit rien pour venir en aide à Masséna. Or, ce dernier était étranger au fait que les troupes n'avaient pas été payées tout en assistant au pillage de Rome. Berthier eut l'habileté de ne pas reprendre le commandement de l'armée et de le laisser au général Dallemagne. Prudent, ce dernier ne prit aucune mesure sans en avoir référé à Berthier et à Masséna. Peu après, Alexandre demanda à Paris son rappel ainsi que celui de Masséna. Une fois de plus, il est difficile d'essayer de comprendre les motifs qui le poussèrent à agir de la sorte. Il ne tenait pas à ce que son camarade se penchât sur la manière dont le pape avait été dépouillé. Sans doute n'était-il pas très fier de lui. Toujours est-il qu'après ces événements ils furent définitivement brouillés, même s'ils parurent se réconcilier après Marengo.
La situation semblait bloquée. Ce fut Dallemagne qui la dénoua en suppliant Masséna de revenir. Sa démarche était appuyée par tous les officiers supérieurs. Il rentra donc à Rome le 14 mars. Mais ce furent alors Monge et les commissaires civils qui demandèrent son rappel. Mal informé, le Directoire lui ordonna de se rendre à Gênes en attendant d'autres instructions. De là, il fut renvoyé chez lui à Antibes et allait y rester sans emploi pendant sept mois. Dans ses Mémoires , Thiébault a rapporté cette curieuse histoire, mais comme il détestait Berthier et était plein d'admiration pour Masséna, son récit est sujet à caution. Il accuse toutefois les commissaires civils et Berthier d'avoir monté en épingle la révolte des officiers pour se débarrasser de Masséna afin qu'il ne découvrît pas l'opération de brigandage que couvrait l'occupation de Rome. Berthier quitta Rome le 3 mars pour se rendre à son quartier général de Milan. De là, il comptait retourner à Paris. Mais il trouva de nouveaux ordres de Bonaparte. L'armée d'Angleterre avait été transformée en armée d'Orient. Certaines des unités stationnées en Italie avaient été désignées pour en faire partie et Berthier était chargé d'organiser leur embarquement. Il se rendit donc à Gênes où l'attendaient un certain nombre de difficultés dues au manque d'argent ! Il écrivait à ce propos à Leclerc, son chef d'état-major : « Je n'ai pas le premier sol ici pour les dépenses relatives à l'embarquement. » Pendant tout le restant du mois de mars il fit des aller et retour entre Milan et Gênes pour activer les préparatifs.
Enfin, le 3 avril, le général Brune, nommé commandant en chef à sa place, arriva à Milan, et Berthier ne perdit pas de temps pour lui remettre le commandement de l'armée. Le surlendemain, 5 avril, il monta en voiture et prit la route de Paris pour enfin retrouver son « patron ».
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Voir du même auteur, chez le même éditeur : Les Frères de Napoléon .
V
UNE HISTOIRE D'AMOUR
Jusqu'en 1796, alors qu'il atteignait l'âge de quarante-trois ans, la vie sentimentale de Berthier avait été des plus banales. Certes, il avait connu un peu partout des aventures amoureuses, mais elles avaient été sans lendemain et au demeurant fort brèves. Ses parents avaient essayé de le marier, mais soit que les jeunes filles qui lui avaient été présentées ne lui aient pas plu, soit qu'il ne se sentît aucune disposition pour la vie de famille, aucun arrangement n'avait pu se conclure. Il passait à présent pour un célibataire convaincu, un peu misogyne, que rien n'intéressait en dehors de son travail, ce qui était inexact, car il aimait fréquenter la société.
Ce fut à Milan en 1796 qu'il rencontra une superbe Italienne
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