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Le Maréchal Berthier

Le Maréchal Berthier

Titel: Le Maréchal Berthier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Hulot
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dont il tomba immédiatement amoureux ; un coup de foudre ! L'hôte de Bonaparte, le duc de Serbelloni, avait organisé en son honneur une réception à laquelle il avait convié toute la haute noblesse milanaise et en particulier ceux de ses pairs qu'il savait acquis à l'idéal de liberté et à l'idée de l'indépendance de l'Italie. L'un des plus éminents d'entre eux était le marquis Visconti qui s'empressa de répondre à l'invitation et y vint, accompagné de sa femme. Celle-ci était née Giuseppa Carcano, une famille de bonne noblesse ancienne, très connue dans le Milanais et dont un des ancêtres, Bonizo Carcano, avait été seigneur de Milan au x e siècle.
    Mariée jeune, comme c'était la coutume, avec le comte Sopransi, elle s'était retrouvée assez vite veuve et avait convolé en secondes noces avec le marquis Visconti. À présent âgée de 36 ans, elle passait à juste titre pour une des plus belles femmes de Milan et même d'Italie, paraissant au demeurant bien moins que son âge. Tout chez elle approchait de la perfection : sa ligne, son regard, sa chevelure, l'ovale de son visage, ses dents, sa féminité et sa grâce. Il a fallu toute la jalousie et la méchanceté de la duchesse d'Abrantès pour lui découvrir deux imperfections : un de ses bras était légèrement plus court que l'autre et elle avait un ton de voix un peu trop aigu (la duchesse emploie le terme : « criard »). Avec cela fort intelligente, pleine d'esprit et de bonté, très cultivée, elle pouvait prétendre à être une des reines de la société milanaise. Fort ambitieuse, elle visait très haut et s'efforçait de pousser en avant son mari, grand seigneur un peu nonchalant. Comme toutes les femmes de son milieu où les moeurs étaient plutôt libres, elle avait en permanence autour d'elle un groupe de chevaliers servants parmi lesquels elle choisissait de temps à autre un amant d'occasion.
    Une rumeur a longtemps prétendu qu'en venant au palais Serbelloni la marquise avait en tête de séduire le général Bonaparte. Mais celui-ci toujours très épris de sa femme s'en serait débarrassé en l'offrant à son chef d'état-major. On sait que la délicatesse n'était pas son fort. Ce bruit est sans doute sans fondement ; et Berthier chef d'état-major général de l'armée était un personnage suffisamment important pour que la belle ait jeté son dévolu sur lui. S'il en tomba immédiatement amoureux au point qu'aucune autre femme ne compta pour lui à partir de ce jour, en fut-il de même pour elle ? Sans être un Adonis, ce général plus âgé qu'elle de sept ans dégageait une sensation de force, de virilité dues à ses proportions athlétiques qui le rendaient intéressant. Parfait homme du monde, gentilhomme à la française jusqu'au bout des ongles, il se montrait étincelant dans la conversation, même si l'émotion le faisait parfois un peu bégayer.
    En tous les cas, quelle qu'en soit la raison profonde, elle répondit favorablement aux avances d'Alexandre sans même mesurer l'importance de ce qui à ses yeux n'était peut-être au départ qu'une aventure et qui devint rapidement une passion qui dura dix-huit ans ! Elle ne tarda pas à devenir sa maîtresse et ce fut alors pour tous deux une révélation. Ils n'étaient, au déduit, novices ni l'un ni l'autre. La marquise était fort experte et Alexandre savait goûter aux formes les plus sophistiquées de cet art. Ils se découvrirent un goût commun, un peu pervers, pour cette science furieuse et délicate qui les attacha d'une manière irrésistible. Séduite, conquise, soumise, la marquise n'hésita plus à s'afficher en public avec son amant, ce qu'au demeurant les moeurs de la haute société italienne admettaient parfaitement. Et il ne fut plus question pour elle d'autres chevaliers servants. Mais le séjour de Berthier à Milan fut relativement court, les nécessités de la guerre le forçant à repartir en campagne. À partir de ce moment et tant que dura leur séparation, ils trouvèrent le temps (surtout lui) de s'écrire chaque jour de longues lettres. Certaines d'entre elles, on ne sait trop comment, devaient plus tard tomber aux mains des Anglais. Ceux-ci, dont la délicatesse et le sens de l'honneur n'étaient pas toujours le point fort, se dépêchèrent de les faire recopier et les diffusèrent sur le continent. Thiébault, qui était un homme poli, pesant les mots qu'il employait, les a résumées en parlant « des lettres renfermant des

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