Le Maréchal Berthier
quelques succès initiaux, l'armée fut décimée par la maladie. Tout manquait lorsque Bonaparte mit le siège devant Saint-Jean-d'Acre, le 19 mars 1799. L'artillerie était tellement à court de munitions que la cavalerie devait aller caracoler sur la plage et se faire tirer dessus par les vaisseaux anglais qui croisaient devant la place, puis ramasser les boulets sur le sable ! Manquant de pièces lourdes, Bonaparte dut se résoudre à mener une guerre de mines ; mais les assiégés prirent des contre-mesures et les résultats escomptés ne furent pas obtenus. La victoire du mont Thabor où fut repoussée une armée turque de secours permit de prolonger l'investissement qui dura sept semaines. Berthier, conscient des difficultés qui s'accumulaient, recommandait chaque jour de lever le siège. Enfin, après un huitième assaut aussi infructueux que les précédents, la retraite commença le 20 mai (1 er prairial). Une des grosses difficultés qu'eut à résoudre l'état-major fut l'évacuation sur Le Caire des blessés et des malades qu'il était impossible de laisser en arrière. Les Turcs les auraient massacrés. Leur transport par mer, envisagé dans un premier temps, n'ayant pu être réalisé, l'escadre anglaise l'empêchant, Berthier fit procéder à la réquisition de tous les chevaux et ânes qu'il put trouver pour les porter. Mais il fut contraint d'abandonner derrière lui les malades atteints de la peste par crainte de la contagion, tout en sachant quel serait le sort de ces malheureux.
La campagne se soldait par un échec. La retraite s'effectua d'autant plus aisément que les Turcs ne disposaient pas de cavalerie pour organiser la poursuite. Une fois de plus, Berthier reçut une mission assez désagréable : tout détruire, tout incendier, habitations, récoltes, bétail. Et il s'en acquitta. Fatigué, malade et passablement écoeuré, il était de retour au Caire le 14 juin (26 prairial). L'état-major assez éprouvé par l'expédition que des proclamations s'efforçaient de présenter comme une victoire se trouva devant une tâche gigantesque car, outre les affaires courantes qui avaient été négligées en l'absence de Berthier, il s'agissait de réorganiser l'armée dans les délais les plus brefs parce qu'une tentative de débarquement anglo-turque était annoncée.
Dans cette période d'attente et malgré son surcroît de travail, Berthier, estimant qu'il avait enfin en main tous les éléments pour faire établir une carte générale du pays, en proposa la réalisation à Bonaparte. Ce dernier, qui commençait à croire qu'il était pour longtemps sur place, donna son accord et le service topographique se mit donc à l'oeuvre. Il en résulta un travail remarquable, en fait la première carte véritablement réalisée ; elle servait encore de référence, un demi-siècle plus tard, lorsque furent commencés les travaux du canal de Suez.
La période d'attente prit fin le 11 juillet lorsqu'une armée turque, transportée par les Anglais, débarqua à Aboukir. Bonaparte rameuta toutes les forces disponibles pour les concentrer face à l'ennemi. Puis il partit pour Aboukir accompagné de Berthier. Celui-ci resta à ses côtés pendant la bataille (26 juillet) et se proposa pour remplacer Lannes, blessé, pour la prise du fort d'Aboukir. Mais Bonaparte, après réflexion, lui préféra Menou. Toutefois, lorsque le général retourna au Caire, il laissa son chef d'état-major sur place pour organiser la défense et négocier avec les Anglais l'échange de leurs blessés. L'officier anglais venu en parlementaire lui apporta un numéro de La Gazette de Francfort ; depuis six mois, ils étaient sans nouvelles de France. En la lisant, Berthier apprit qu'une nouvelle coalition nouée par les Anglais, comprenant les Autrichiens, les Russes et les Napolitains, était en train de reconquérir tout ce que la France avait gagné à Campoformio. Comprenant l'importance de la nouvelle, il partit sur-le-champ au Caire pour avertir Bonaparte. Ce dernier saisit immédiatement les répercussions que ces événements entraînaient sur le plan politique et estima le moment venu de s'emparer du pouvoir en France. Il résolut donc de partir d'Égypte mais comprit qu'il devait le faire secrètement, car, en somme, il allait abandonner son armée, se rendre coupable de désertion et se mettre dans le cas d'être traduit en conseil de guerre.
Il parla de son projet à Berthier en lui recommandant le silence et celui-ci
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