Le Maréchal Berthier
Berthier abondait en ce sens. Ils ne parvinrent pas à persuader Bonaparte du danger que couraient les navires mêmes en allant mouiller sur la rade d'Aboukir plus sûre que celle d'Alexandrie.
Cependant, au prix de souffrances incroyables, l'armée s'était mise en route le 9 juillet (21 messidor). Après plusieurs combats victorieux contre les mameluks, dont la bataille des Pyramides remportée, à en croire Berthier, avec facilité, les divisions françaises entrèrent au Caire le 22 juillet (4 thermidor). Si une petite portion de la Basse Égypte était désormais conquise, tout le reste du pays nous échappait, d'autant que la principale armée ennemie se repliant vers Louxor tenait toujours la campagne et qu'une autre cherchait refuge en Syrie.
Dès les premiers jours d'août, Bonaparte, accompagné de Berthier, effectua une large reconnaissance vers la frontière syrienne. Ce fut au retour de celle-ci qu'ils apprirent la destruction de l'escadre de Brueys par les Anglais, sur la rade d'Aboukir. Ce qu'avait craint Berthier se réalisait : les Français étaient prisonniers de leur conquête, ce qui ne contribua pas à relever le moral des troupes fortement entamé. Bonaparte s'efforça de combattre ce défaitisme et Berthier l'y aida de son mieux. Comprenant qu'il y avait désormais peu d'espoir de recevoir des secours de France et qu'ils risquaient de demeurer longtemps sur place, ils s'organisèrent du mieux qu'ils purent pour faire de l'Égypte une colonie. Berthier fut mis à contribution pour mettre sur pied une organisation administrative de la contrée.
Cependant les mois passaient. Des révoltes indigènes, souvent provoquées par des réquisitions brutales, éclataient un peu partout qu'il fallait sévèrement réprimer. La conquête de la Haute Égypte dans laquelle Bonaparte avait lancé Desaix se révélait d'autant plus difficile qu'il disposait de moyens insuffisants et le découragement gagnait jusqu'aux chefs de corps. Berthier, lui-même, n'échappa pas à cet état d'esprit. Il commençait à réfléchir aux moyens de quitter l'Égypte et ceci d'autant plus qu'il supportait mal le climat. Il était à présent sujet à des maux de tête qui, par instants, le rendaient à peu près sourd. Ce fut précisément le moment que choisit Bonaparte pour mettre sur pied son expédition de Syrie pour laquelle il aurait eu besoin de Berthier. Quelle nécessité avait Bonaparte de s'aventurer aussi loin dans le nord ? On a soutenu qu'il songeait à regagner la France en traversant l'Europe. C'est peu probable, car il laissait d'importantes forces en Égypte. Alors, soulager la pression que les Turcs faisaient peser sur son flanc, élargir les possessions françaises ? De toute manière, il n'avait pas les moyens de mener une telle politique. Ce fut dans le courant de décembre 1798 que Berthier demanda à retourner en France. Bonaparte y consentit à regret et fit même préparer à Alexandrie une frégate à bord de laquelle il emporterait des rapports et des demandes d'aide au Directoire. Le 25 janvier 1799, Bonaparte adressa à Berthier une note lui ordonnant de partir quatre jours plus tard et précisant d'embarquer sur la frégate La Courageuse . Quel revirement s'opéra alors dans l'esprit de Berthier ? Devina-t-il que s'il rentrait en France Bonaparte ne le lui pardonnerait jamais et que c'en serait fini de leur collaboration et de leur amitié ? Estimat-il que personne d'autre que lui ne serait capable de l'aider à faire face aux difficultés qu'il rencontrerait en Syrie ? Toujours est-il qu'au moment de prendre congé du « patron », il vint lui annoncer qu'il avait décidé de demeurer à ses côtés. Bonaparte en fut profondément touché. Lui, si peu démonstratif, prit Berthier dans ses bras et l'embrassa.
Le chef d'état-major avait, dès le début, émis une opinion défavorable sur cette nouvelle expédition. Bien renseigné, il jugeait le corps français numériquement trop faible face aux moyens militaires dont disposait le sultan, même si qualitativement nos troupes étaient très supérieures aux siennes. De plus, Berthier estimait qu'en opérant assez loin de ses bases, l'armée française aurait à faire face à des difficultés logistiques qu'elle aurait du mal à surmonter. Mais, une fois de plus, Bonaparte fit fi de ces contingences et l'état-major essaya de solutionner ce problème impossible avec sa conscience habituelle.
La campagne de Syrie dura trois mois. Après
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