Le Maréchal Berthier
occuper d'importantes unités autrichiennes ; mais il ne lui venait pas à l'esprit qu'elles pourraient emporter la décision. Le plan qu'il conçut consistait à descendre en Italie avec une nouvelle armée et à prendre les Autrichiens du maréchal Mélas en tenaille entre les deux forces françaises. Il demanda donc à Berthier, au début de mars 1800, alors que celui-ci était en plein travail de réorganisation, de réunir aussi secrètement que possible autour de Dijon une armée de soixante mille hommes qui, pour ne pas dévoiler sa destination, reçut le nom d'armée de réserve. La décision en avait été prise un mois après la cérémonie, au temple de Mars (l'hôtel des Invalides), de dépôt des drapeaux turcs pris à Aboukir, que Bonaparte avait rapportés avec lui. Elle fut constituée essentiellement de régiments prélevés un peu partout, endivisionnés au dernier moment, et il allait en résulter, au moins au départ, un certain manque de cohésion. D'autant plus que pour mieux induire en erreur les services de renseignements ennemis qui furent complètement trompés, les troupes furent dirigées non seulement sur Dijon mais également sur Lyon et Genève de manière à faire croire qu'elles étaient destinées à renforcer l'armée du Rhin. Quant à la base arrière, Berthier décida de la situer à Bourg-en-Bresse.
Il était à présent temps de doter la nouvelle armée d'un commandement centralisé et d'un état-major pour en coordonner les mouvements. Le 2 avril, le Premier Consul, que d'autres tâches retenaient à Paris et que du reste ce travail d'organisation ennuyait, bien qu'il fût décidé à la mener au combat, nomma Berthier commandant en chef. En fait, une curieuse disposition de la nouvelle constitution rédigée par Sieyès interdisait au Premier Consul de commander une armée et cette défense allait considérablement gêner Bonaparte dont, par contrecoup, le rôle serait mal défini.
Il était impossible pour Alexandre de cumuler ce poste avec celui de ministre de la Guerre. Mais, pour lui succéder, le gouvernement avait sous la main un organisateur tout à fait capable. Le même jour, il était remplacé par Carnot.
La difficulté de faire franchir les Alpes par l'armée de réserve pour pénétrer en Italie n'était pas nouvelle pour Berthier. En 1795, alors qu'il était chef d'état-major de Kellermann, il avait effectué lui-même et fait exécuter un certain nombre de reconnaissances entre la Suisse et la Méditerranée et il avait transmis à son ami Clarke plusieurs projets de traversée des montagnes. Il suffisait de les sortir des cartons.
Berthier comprit vite l'énormité de la tâche qui l'attendait, d'autant que les unités qui allaient former son armée étaient souvent très incomplètes, n'avaient pas leurs équipements et comprenaient un nombre important de conscrits dont l'instruction n'était pas terminée, voire pas commencée. Un peu plus tard (10 mars), il devait ordonner que l'on fît tirer à chacun une dizaine de coups de fusil pour être en mesure de s'en servir ! Aussi, se mit-il à bombarder le Premier Consul de récriminations et de plaintes dans les lettres qu'il lui adressait quotidiennement. Bonaparte le prit sur un ton badin et se contenta de répondre : « Je vois avec peine que le séjour de Dijon vous donne de la mélancolie. Soyez plus gai ! »
Après quoi, tout de même, il donna des ordres pour faire expédier les fournitures que réclamait Berthier, en particulier les munitions en quantités très insuffisantes. En fait, le travail d'organisation de Berthier fut retardé, car avant même de s'y atteler il dut se rendre à Bâle pour conférer avec Moreau. Quoiqu'il eût prêté la main au coup d'État du 18 Brumaire, ce général resté républicain n'éprouvait pas une sympathie profonde pour Bonaparte et son équipe. Pourtant, l'entrevue se passa bien et même cordialement, chacun reconnaissant en l'autre un professionnel de valeur. Moreau critiqua plusieurs points du plan de Bonaparte et suggéra des modifications à y apporter. Mais, surtout, il se montra flatté que l'on comptât sur lui pour démarrer le premier les offensives françaises et rejeter les Autrichiens au-delà d'Ulm afin de dégager la gauche de l'armée de réserve qui, positionnée entre la sienne et celle de Masséna, flanquerait la droite de l'armée du Rhin. Ainsi la Suisse, quoique neutre, serait occupée par une force combinée de onze bataillons de
Weitere Kostenlose Bücher