Le Maréchal Berthier
l'armée du Rhin et d'une demi-douzaine de celle de réserve. Le commandement en serait confié à un adjoint de Moreau, Moncey.
Les deux généraux se quittèrent très satisfaits l'un de l'autre. Mais Bonaparte porté à tout critiquer commença par estimer que les forces d'occupation de la Suisse étaient trop faibles. Il finit tout de même par accepter cet arrangement. Dès son arrivée à Dijon, Berthier, bien épaulé par un excellent chef d'état-major, le général Dupont, articula les régiments qui arrivaient en quatre divisions qu'il porta progressivement à quatre demi-brigades d'infanterie chacune. Bientôt, il eut assez de troupes pour en constituer une cinquième. En revanche, sa cavalerie aux ordres de Murat ne comprit que trois brigades totalisant seulement sept régiments et qui lui posaient des problèmes de remonte qu'il n'arrivait pas à résoudre. Puis le commandant de l'artillerie, le très compétent général de Saint-Rémy, mourut brusquement. Il fallait le remplacer au pied levé, et consulté, le Premier Consul se dépêcha d'envoyer un de ses aides de camp, Marmont, un artilleur qui apporta à Berthier une aide appréciable. Mais toujours faute d'un nombre suffisant d'attelages, le commandement ne put mettre en ligne qu'une quarantaine de pièces.
Cependant, le mois de mars était écoulé et l'armée de réserve n'était toujours pas en état de faire mouvement. Bonaparte commençait à s'impatienter d'autant qu'il savait Moreau prêt à marcher et qu'il n'entendait pas lui laisser cueillir seul les lauriers de la victoire. Berthier était conscient de la nécessité d'agir vite. Mais il insistait dans sa correspondance sur le fait qu'il était impératif d'attendre les premiers succès de Moreau pour entrer en Italie. Il ajoutait qu'il serait bon que Moreau renforçât l'armée de réserve avec le corps de Lecourbe, et l'intéressé n'y consentit pas sans difficulté. À présent, Masséna, toujours assiégé dans Gênes, était à toute extrémité et allait bientôt être obligé de capituler faute de vivres. Dès lors, ce serait toute la manoeuvre de l'armée de réserve qui serait compromise.
Le 30 avril, celle-ci put enfin se mettre en branle. En plein accord, Bonaparte et Berthier avaient décidé que les Alpes seraient franchies en plusieurs points, mais principalement aux cols du Grand et du Petit-Saint-Bernard. Aussi, la majorité des divisions furent-elles dirigées sur Genève. Elles comprenaient ou allaient comprendre 44 000 fantassins, 8 000 cavaliers et 1 200 artilleurs, soit un total d'environ 53 000 hommes. En même temps, avec insistance, Berthier demandait que Lecourbe occupât le Saint-Gothard pour masquer ses propres mouvements. Mais Moreau n'était nullement pressé de se séparer de son lieutenant. Berthier commençait à se faire du souci. Il savait qu'au pied du Saint-Bernard, sur le versant italien, se dressait le gros fort de Bard tenu par les Autrichiens et qu'il risquait fort, si on ne l'enlevait pas rapidement, d'empêcher l'armée de réserve de déboucher dans la plaine du Pô. Il s'en ouvrit à Bonaparte qui prit la chose avec une certaine légèreté, estimant que ce ne serait pas un obstacle.
Retenu à Paris, le Premier Consul ne quitta la capitale que le 4 mai. Le même jour, Berthier arrivait à Genève et constata qu'aucun des traîneaux qu'il avait commandés pour transporter l'artillerie dans la montagne n'était arrivé. D'ailleurs, chaque jour apportait de nouveaux mécomptes. Les chaussures, de mauvaise qualité, perdaient leurs semelles sous la pluie et les soldats allaient nu-pieds.
Bonaparte rejoignit l'armée à Genève, le 8 mai. Sa situation était bizarre, car Berthier était toujours et allait demeurer son commandant en chef. Donc, en théorie, le Premier Consul n'agirait que comme conseiller. Toutefois, sa présence galvanisa les hommes. Mais personne ne savait qui était le véritable général en chef. De mauvaises langues prétendirent par la suite qu'en ayant agi de la sorte, Bonaparte s'était réservé la possibilité de faire endosser la responsabilité de l'échec à Berthier si la campagne tournait mal !
Pourtant, le franchissement de la montagne se déroula sans incident et la débrouillardise des soldats français, qui utilisaient des troncs d'arbres évidés pour transporter les tubes des canons et suppléer aux traîneaux toujours absents, fit merveille. Alors que Bonaparte demeurait en arrière, Berthier, dans la
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